omme à tous les matins, mes pas se dirigent automatiquement vers le Starbuck avant d’aller au boulot. J’avais réellement développé une dépendance au café après toutes ces années. C’était sans aucun doute mieux que toutes ces boissons énergisantes que je prenais au début de ma vingtaine alors que je sortais presque tous les soirs. Une jeune femme sort du café et je tente de lui retenir la porte alors qu’elle n’observe que son téléphone attentivement. J’aurais pu être son idole et elle ne m’aurait même pas remarqué.  Le comble du malheur arrive, déjà que je perds un peu patience avec mon sourire naïf à lui tenir la porte gentiment devant son indifférence totale. Elle me fonce dessus et la chemise blanche que j’avais été cherché chez le nettoyeur hier se retrouve enseveli de crème fouetté et de chocolat. Je soulève ma chemise du mieux que je peux parce que la chaleur me brûle la peau. Bordel. Elle n’aurait pas pu faire un peu attention ? Je n’aurai pas le choix que d’annuler mon premier rendez-vous ce matin, je ne peux me présenter dans cet état devant mon client. Alors qu’elle s’excuse, je lui porte peu d’attention si bien que je ne me rends même pas compte que je la connais. J’ai déjà mon Iphone en main pour envoyer un SMS à mon client. Est-ce qu’elle avait bien nommé son nom ou mes oreilles avaient fait défaut ? Je relève les yeux sur elle et on peut voir tout mon étonnement sur mon visage. Ça fait des années que je ne l’ai pas croisé et pourtant elle n’a rien de changé. Elle est toujours aussi jolie. Elle finit même par me demander si je la reconnaissais. Je n’étais peut-être pas le mieux placé pour parler puisqu’il m’était arrivé à plus d’une reprise de ne pas reconnaître quelqu’un dans la rue, mais Haylie était loin de faire partie de l’une de mes conquêtes de soir. Elle était en réalité la plus longue relation que j’avais eu jusqu’à ce jour.

-Mais bien sur que je te reconnais ! Désolé, je dois juste avertir mon client que je ne pourrai pas le voir ce matin…

J’ai l’air un peu énervé, en réalité ce n’est pas après elle c’est après la situation. Il n’y avait rien de bon en affaires de devoir annulé un rendez-vous avec ses clients, alors que j’allais appuyer sur envoyer, je recevais un courriel de mon client qui me demandait de reporter la réunion. Le stress tomba d’un coup. J’allais avoir amplement le temps d’aller me changer, mon prochain rendez-vous n’était que beaucoup plus tard dans la journée. Mes yeux se reposent sur Haylie et je tente un sourire sincère. En fait, j’en suis incapable. Elle a toutes les raisons de me détester et pourtant elle ne le sait même pas. La fin de notre relation fut le début marquant de cette époque où je n’étais qu’un lâche. Des millions d’occasions s’étaient présentés pour que je lui explique tout et pourtant ma solution n’avait été que de la fuir. Et encore aujourd’hui, j’ai envie de me mettre à courir même si cette histoire fait partie du passé.

-Pas besoin de payer le pressing, ça arrive à tout le monde… Ça fait un sacré bout dit donc !

Ma réponse est carrément nulle, mais je ne sais pas quoi lui dire. J’aimerais faire comme s’il n’y avait rien qui m’embêtait et de lui parler de ma vie, qu’elle me parle de sa vie, mais j’ai tellement peur qu’elle me demande pourquoi je l’ai réellement quitté. Mais peut-être qu’elle s’en fiche et que pour elle ce n’est que dans le passé ? Peut-être qu’il n’y a que moi qui se sent coupable avec tout ça ? C’est peut-être ça la conséquence de mes actes, vivre avec ce sentiment de culpabilité ?  

   

éjà que j’étais énervé quand elle exclama sa surprise sur le fait que ce n’était qu’une simple tâche et que j’annulais un rendez-vous pour ça, mes lèvres se soudèrent pour ne pas sortir une bêtise. Quelle première impression allais-je donné à mes clients si je gardais cette chemise ? Ils auraient sans aucun doute compris la situation, mais pour moi c’était comme si je lui avouais déjà ma défaite en tant que promoteur. Comment me faire confiance alors qu’aux premiers soucis personnels je n’étais même pas capable de trouver une solution rapidement et de me présenter impeccablement. Le monde de l’immobilier était grand, la concurrence était forte. Je n’avais pas le droit à l’erreur.  Quand elle me demanda qu’elle travaille que je faisais, j’avais envie de fondre dans la masse. Comment lui dire que je travaille encore pour le même boulot que lorsque nous sortions ensemble ? Ce travail que je dénigrais souvent comme étant un métier de base. Combien de fois lui avais-je dit que je n’allais pas finir comme mon père ? Certes, ma compagnie immobilière de l’autre côté prenait de l’expansion, mais marge de sécurité de manœuvre n’était pas assez grande pour que je me paie le luxe de quitter mon emploi. Je décidai finalement de lui donner une réponse plutôt vague.

-Je travaille dans l’immobilier, et toi ?

Ce terme englobait très bien mon métier de promoteur et cordiste, je n’avais mentit en rien. J’avait juste omis quelque peu la vérité. Je me sentis presque sympathique derrière mon air énervé à lui relancer la question. Elle allait vraiment croire que j’avais une dent contre elle si je ne ressortais pas mon sourire bientôt.  Encore une fois elle enchaine de nouveau à vouloir me dédommagé pour sa gaffe. J’avais oublié à quel point derrière notre dernière discussion qui s’était révélé être une chicane incroyable en réalité qu’Il y avait une fille incroyable toujours prête à aider son prochain. Je ne suis pas du genre à aimer me faire payer des trucs par les gens, du moins pas pour quelque chose de banal comme ça. Ce n’était pas comme si elle avait renversé son chocolat chaud sur mon Iphone et qu’il n’était plus fonctionnel. Cette chemise représentait pour moi en fait aucune valeur monétaire à mes yeux, ce n’était qu’un bout de tissus fonctionnel pour le boulot. J’hésite à accepter sa proposition de me faire payer le café. Après tout c’est bien ça que j’allais chercher et il va de soit que je n’accepterai aucunement qu’elle me paie une nouvelle chemise. Est-ce que ce café allait automatiquement inclure une discussion de notre vie respective ? Je mourrais d’envie de savoir ce qu’elle devenait, mais je n’avais aucunement envie de partager mon histoire. Avant même que je n’ai le temps de lui donner ma réponse, il est vrai que je suis loin d’être pressé de lui donner et elle a sans aucun doute envie de meubler notre discussion pour ne pas créer de malaise, elle vient directement au sujet en me demandant ce que je deviens.

-J’accepte pour le café

J’entre dans le Starbuck, j’ai encore du temps pour penser à ce que je vais lui dire et les informations que je vais garder que pour moi. Il y a foule dans le café, un silence s’installe entre nous deux pendant que nous patientons. Elle n’ose pas parlé ce qui est plutôt normal, parce qu’elle attend ma réponse. Haylie a toujours été une fille aussi facile d’approche que moi, le genre de fille sympa dès le premier regard qui parle à tout le monde. Pourquoi suis-je si distant avec elle ? En fait, je connais la réponse, mais je ne veux pas me l’avouer. Je n’ai jamais clos ce chapitre de notre passé dans ma tête, je l’ai évité.

-Qu’est-ce que je deviens ? Rien de très palpitant. Je vis dans Manhattan, pas très loin de Times Square. J’ai eu l’opportunité de reprendre en main une compagnie d’immobilier il y a quelques années ce que j’ai fait. Ta vie est sans aucun doute plus intéressante que la mienne !

J’ai à peine dit quelques phrases et pourtant j’ai l’impression de l’avoir très bien résumé. Je n’ai eu ni petite amie et encore moins d’enfants à mon plus grand bonheur. Si ça se trouve, elle était mariée depuis des années et avait 3 enfants, je l’imaginais très bien comme ça.


 

algré toutes ces années qui ont passées je ne peux m’empêcher d’avoir un sourire quand elle me dit qu’elle est journaliste. Le New York times en plus, un journal tellement reconnu internationalement. Il me semble que c’était encore hier qu’elle me parlait de ce rêve tout en corrigeant désespérément mes fautes d’orthographe quand nous faisions nos devoirs ensemble, je crois que ça l’avait toujours été plus fort qu’elle. Elle était tellement passionnée par l’écriture, je ne peux qu’être heureux qu’elle ait réussi cet objectif qu’elle s’était fixé et ça peu importe ce qui a pu se passé entre nous. Quand nous arrivons à la caisse, je commande un moyen café avec deux laits et j’ai un petit sourire en repensant à ma rencontre avec Annie et tous ces extras qu’elle m’a fait payer à la caisse. Elle était tout un numéro celle-là. Pour ma part, je prenais toujours la même chose, donc pourquoi ambitionner avec quelque chose que je ne buvais jamais sous raison que quelqu’un me le payait ?

Quand elle me raconte brièvement sa vie j’en demeure surpris. Ce n’est pas le fait qu’elle ait été en voyage en Italie qui me surprends le plus, mais c’est l’absence de vie amoureuse tout comme moi. Je dis absence, mais peut-être qu’elle n’en a pas parlé tout comme moi tout simplement. Toutefois, j’ai cette intuition qu’elle est célibataire et je trouve ça vraiment dommage. C’est vraiment une bonne fille et elle mérite d’être heureuse. Quand elle parle du manque d’optimisme sur ma vie, je me repose en question. Est-ce que j’avais l’air si déprimé que ça quand j’en parlais ? En réalité, j’aime ma vie. J’étais tellement habitué de me faire dire des commentaires sur celle-ci et de la façon que je devrais la vivre que j’avais pris l’habitude de dire qu’elle n’était pas bien palpitante comparé aux autres.

-Oh non j’aime ma vie inquiète toi pas. C’est juste que la plupart des gars de mon âge ont des enfants, une femme, un chien. Moi je n’ai rien de tout ça, donc ça en fait beaucoup moins long à raconter.

Qui sait, peut-être qu’elle élabora de son côté maintenant que je lui ai clairement dit que je suis célibataire et que je n’ai pas d’enfants.Je prends mon café au bout du comptoir et je prends une gorgée en attendant sa réponse. Le Starbuck était à son apogée matinale, je comprends vite que nous dérangeons la plupart des clients en restant en plein milieu du chemin. Je me tasse vers le mur, puis je décide finalement de m’asseoir à une table. Je ne sais pas si Haylie en fera de même et je crois qu’en fait ça me soulagerais qu’elle ne le fasse pas. Pour ma part avec mon rendez-vous annulé j’ai tout mon temps.

-Dans le fond moi je m’assois, mais toi tu dois être sans doute être en retard à ton travail !



 

e suis plutôt d’accord avec ce qu’elle me dit concernant les enfants et la vie sentimentale, mais de la façon dont elle élabore la question elle ne me donne absolument aucun indice sur le fait qu’elle est célibataire ou non en ce moment. Peut-être pourrais-je déduire qu’elle l’est parce que sinon ce côté aurait sans aucun doute plus d’importance à ses yeux. Elle aurait sans doute renchéri avec sa vie de famille en lui montrant des photos, non ? Au moins elle ne semble pas me trouver minable et plutôt heureuse de voir que je travaille tout comme elle dans le domaine dont nous parlions étant adolescent.

Quand elle me dit finalement qu’elle a tout son temps qu’elle gère très bien son horaire, je sens un stress m’envahir. Est-ce que ce serait le temps des aveux ? Dans un simple Starbuck presque 15 ans plus tard, je lui dirais enfin la vérité sur mes vrais motifs. Je la regarde et je reconnais son regard. Elle n’a pas l’intention de me laisser partir tant que je n’aurai pas cracher le morceau. En réalité, je suis plutôt surpris que ce ne soit que maintenant qu’elle tente de découvrir la vérité. Je m’étais imaginé à l’époque qu’elle allait me confronter un jour dans un coin de l’école pour que je m’explique. Elle savait que je n’avais pas été honnête avec elle, elle était beaucoup trop perspicace pour ça. Est-ce que c’était parce que je lui avais fait trop de peine en la laissant ? Peut-être était-elle vraiment amoureuse de moi et avait préféré ne pas connaître la vérité pour ne pas avoir davantage mal de notre rupture ? Cette culpabilité que j’ai beaucoup cachée après notre séparation en buvant presque tous les soirs remonte à la surface et en ce moment je n’ai qu’un vulgaire café pour soulager ma conscience.

Ma réponse est lente, beaucoup trop lente. Je sais que mes yeux me trahissent malgré moi sur les émotions que je ressens en ce moment. J’essaie d’éviter son regard quelques instant, je n’ai pas le force de tout lui avouer. Je suis vraiment un lâche qui n’est même pas capable de régler les fantômes de son passé. J’ai le goût d’un verre de scotch, quelque chose qui cogne sur le coup pour surmonter tout ça. Je dois être honnête avec elle, mais pas maintenant. Elle a une journée de travail, j’ai une journée de travail à venir. Ce ne serait pas trop d’émotions pour leur journée respective tout ça ? Je sais que c’est une simple raison que je me donne pour me défiler et me rassurer de le faire, mais elle est plutôt légitime non ? Je sors finalement mon téléphone de ma poche, elle doit vraiment me trouver pathétique de l’éviter du regard et de ne pas lui répondre. Elle a tout raison quand elle dit que j’essaie de la fuir.

-Écoute, je sais que je te dois des explications, mais je crois que ce n’est pas le moment ni la place pour faire ça. Non ?

Je lui tends finalement mon téléphone où j’ai déjà créé un nouveau contact en inscrivant son nom, je le laisse tombé devant elle avant que je me mette à trembler devant elle avec le téléphone dans ma main. J’ai déjà l’air si pathétique. J’avais presque oublié que derrière mes apparences de Don Juan et de célibataire endurci, se cachait un gars qui en fait pouvait avoir beaucoup d’émotions. Ces filles qui m’en faisaient vivre en général j’essayais de me tenir loin d’elles, c’était beaucoup plus facile de s’enfuir le lendemain au réveil sans aucun remords. Je ne voulais pas être ce gars rempli d’émotion. Je voulais être le Ryan que tout le monde connaissait dernièrement. Indépendant et capable de vivre sa vie de débauche parfaitement seul. Est-ce que j’étais plus heureux comme ça ? Je ne savais pas, mais j’essayais de m’en convaincre. Toutes les choses que j’avais pu faire, ces conneries impardonnables, m’avaient convaincues que c’était mieux pour la gente féminine que je reste célibataire. Au moins je ne blessais personne de la sorte.

-Ajoute ton numéro, je vais pouvoir t’écrire mon adresse. Demain soir 19h00 chez moi ça t’irait ? Si on ne confirme pas maintenant, je sais que je vais me dégonfler, t’as raison j’essaie de te fuir. Ça fait des années que ça dure, mais je dois être honnête avec toi, je te le dois.