En se réveillant Ryan avait le pressentiment que cette journée serait interminable et un calvaire, il avait tout à fait raison. Son cadran avait sonné à cinq heures ce matin, il devait absolument être à l’immeuble au coin de la 44e rue pour six heures pas une seconde de plus. Il devait vraiment finir de faire son contrat avant neuf heures parce qu’il avait pris un rendez-vous avec un client pour une visite d’un loft. Visite qu’il espérait ne pas être trop longue avec cette journée si bondée entre des contrats de sa propre compagnie et des contrats de nettoyage avec son employeur. Heureusement qu’il n’était pas sur des contrats avec une équipe, jamais il n’aurait eu la possibilité de pouvoir remanier son horaire sans même que le propriétaire s’en rendre compte. À 13h, il venait encore une fois de jouer à superman en se changeant en costard cravate en moins de cinq minutes et quand il passa devant un stand de hot-dog au coin d’une rue, son estomac lui rappela qu’il n’avait pas pris de pause repas depuis le matin. Il tendit un cinq dollar au vendeur et il repartit d’un pas rapide vers son prochain rendez-vous qui était à cinq blocs de marches plus loin. Une jeune femme l’accrocha et au plus grand désespoir du jeune homme d’affaires le hot-dog glissa de ses mains pour faire une épouvantable tâche de Ketchup sur sa chemise blanche. Le premier magasin de linge qu’il croisa fut sa bouée de secours et la vendeuse eut probablement sa vente la plus facile de la journée. Il jeta l’ancienne chemise, il n’avait pas de tends à perdre pour quelque dollars. Le brun prit finalement un taxi, il ne pouvait être en retard à son propre rendez-vous d’affaires.

Et voilà qu’à dix-neuf heures après toutes ces péripéties il se retrouvait encore à travailler parce qu’il n’avait pas réussi à finir ses contrats de nettoyage pendant la journée. Il ne lui restait qu’un client, le musée d’art contemporain. Cela faisait à peine trois semaines que Ryan avait commencé à venir faire ce contrat ici et il ne s’y habituait toujours pas. Le nettoyage des extérieurs ce n’était pas si mal, le bâtiment était si bas bien que l’architecture était assez contraignante par moment. Toutefois à l’intérieur il ne se sentait réellement pas à sa place, il n’avait jamais été un adepte de musée, ni de culture en général. Et puis, l’endroit était si silencieux à tel point qu’il se sentait mal de faire le moindre bruit pendant qu’il exécutait sa tâche. Il n’avait pas encore tissé de lien avec les employés et il n’y comptait pas vraiment non plus, il n’avait pas envie de se faire poser des questions sur son appréciation de certaines expositions.

Il emporta son échelle jusqu’au prochain vitrail, il ne lui en restait que deux avant de pouvoir aller enfin trouver le confort de son lit. Une statue était beaucoup trop proche à son goût, cette nouvelle exposition n’avait pas facilité sa tâche de nettoyage loin de là. Il perdit pied dans l’échelle et passa à deux doigts de frapper la statue de marbre. Il ouvrit des gros yeux ronds, la dernière chose qu’il voulait c’était de briser une œuvre d’art. Il allait sans aucun doute faire la une dans le journal le lendemain si c’était le cas. Il se dirigea finalement vers le dernier vitrail, il remarqua également une jeune femme au loin qui semblait s’être endormi. Il n’était donc pas le seul à trouver cette ambiance mortelle. Il monta sur la dernière marche puisque le vitrail était beaucoup plus haut que les autres et il fit la plus grosse erreur possible dû au manque de sommeil. Il était si habitué d’être attaché, c’était en fait l’un des seuls contrats qu’il faisait avec une hauteur si basse, normalement une échelle ne suffisait pas. Par habitude, il se donna une lancée pour atteindre le coin plus facilement et faire un plus beau travail, il tomba immédiatement contre le sol et l’échelle fit de même en tombant sur lui. Un vacarme incroyable résonna dans le musée. Une panique l’emporta aussitôt et ne se souciant même pas de la douleur que la chute lui avait causée, il se relevait déjà pour remettre tout à sa place en espérant qu’il n’ait rien accroché au passage dans le musée.



     

     
     

Ryan parcouru rapidement les alentours après avoir reposé l’échelle à sa place pour vérifier qu’il n’avait rien endommagé dans le musée. Après s’être rassuré en regardant la statue la plus proche, il tourna encore un peu la tête et c’est là qu’il remarqua son sceau d’eau qui était tombé et dont l’eau allait bientôt infiltrer le beau tapis. Il se mit alors à courir avec un rouleau d’essuie-tout sous le bras pour stopper le dégât qu’il avait produit. Il ne prit pas de chance et arriva au tapis en premier et le roula pour être sur que l’eau savonneuse n’atteigne pas sa cible. Il n’était pas en expert en art, mais il était convaincu que ce tapis était aussi précieux que tout ce qui était dans le musée. Il épongea finalement la flaque grossièrement, il n’aurait qu’à passer une serpillère après. Il reprit son souffle de cette petite course qu’il venait de faire dans le musée et c’est là qu’il commença à ressentir le mal de sa chute, principalement dans le bas du dos. Il jeta un coup d’œil au vitrail plus haut, il n’était pas question qu’il remonte là-haut ce soir et de toute façon il n’y avait qu’un petit coin qui n’était pas tout à fait parfait aux yeux de Ryan.

Des bruits retentirent derrière lui ce qui le fit sursauter, il avait presque oublié qu’il n’était pas tout seul ici. Il n’eut pas le temps de se retourner que la personne lui ordonnait de se montrer. Instinctivement, il leva les mains dans les airs comme il l’avait si souvent vu dans  les films policiers. Si ça se trouvait c’était l’agent de sécurité du musée. Il eut alors un petit regret de ne pas s’être attardé un peu plus que ça aux employés, il n’avait pas envie d’avoir d’ennui ce soir. Tout ça aurait si simplifié la chose s’il les avait bien connus. Il se retourna finalement face à son interlocutrice et c’est là qu’il remarqua que c’était la jeune femme qui dormait au loin tout à l’heure. Il regarda « l’arme » dans ses mains qui était en fait un parapluie et il ne put s’empêcher d’avoir un petit sourire amusé. Il descendit presque instantanément ses mains, il n’avait absolument aucune peur à se faire en ce moment-même.

-Milles fois désolé pour tout le vacarme, je nettoyais un vitrail et je suis tout simplement tombé.

Il scruta de nouveau l’endroit de sa chute, tout semblait intact, mis à part le tapis qu’il avait roulé volontairement. Il espérait que la dame du musée ne trouve rien d’autres qui pouvait clocher. Son dos le brûlait réellement à cause de la douleur, il reviendrait en taxi ce soir pas question de marcher jusqu’à chez lui.

-Hum, je ne connais pas bien le musée, est-ce qu’il y a une infirmerie où je pourrais me procurer de la glace ?


     

Un vacarme se fit retentir dans le musée, mais cette fois ce n’était pas à cause de la chute de Ryan. La jeune blonde avait laissé tomber par terre son arme très menaçante qu’était son parapluie. Alors que le brun pensait qu’elle allait s’excuser, elle se mit à dérouler rapidement le tapis à sa plus grande surprise. Pensait-elle réellement qu’il avait volé quoi que ce soit ? Elle ne croyait décidément pas à son histoire. Il regrettait encore plus de ne s’être jamais présenté à qui que ce soit ici. Il voyait déjà la police débarqué et son patron contacté pour valider qu’il était bien Ryan Williams le simple petit laveur de vitraux. Il aurait des ennuis avec son boss et il le savait, il n’était pas supposé venir aussi tard chez ses clients. Il avait tellement pris de retard cependant. Mieux vaut tard que jamais, non ? Elle finit par lui indiquer que l’infirmerie était l’autre bout à l’étage ce qui le fit soupirer. Ce bâtiment était gigantesque et la douleur maintenant que l’adrénaline avait passé se faisait réellement ressentir. C’était quoi cette idée de mettre une infirmerie à une étage aussi ? Elle l’observa un moment et ne sembla pas convaincue qu’il était blessé. Ryan n’était pas du genre à s’appitoyer sur son sort ni à se montrer faible, il avait tout de même un sourire malgré la douleur qui devenait de plus en plus persistante.

-J’ai eu une journée de fou, à l’habitude je viens beaucoup plus tôt, mais j’ai pris du retard. La fatigue est la seule raison de ma chute, j’avais oublié qu’ici je ne suis pas attaché. Un sac bleu fera l’affaire !

Oufff, elle n’allait pas appeler la police, le stress tomba d’un coup. Il la suivit pour aller chercher la pochette de glace et quand elle lui donna il ne se fit pas prier pour le mettre sur son dos un peu, il prit même la peine de s’asseoir. Il regarda l’étiquette porte-nom de la dame. Elle s’appelait Alison et elle était guide ici.

-Dit donc, c’est la première fois que je vous vois Madame la guide ! Moi au fait, c’est Ryan. Ça fait peut-être six mois que je viens à toutes les semaines au musée nettoyé les vitraux…

     
     

Dès qu’il ferma sa bouche après avoir parlé, il comprit qu’il venait d’empirer la situation. Est-ce qu’il avait dit quelque choses de déplacé alors qu’il ne s’en était pas rendu compte ? Sa nouvelle posture lui montra néanmoins qu’il y avait quelque chose qui la dérangeait. L’avait-elle trouvé macho parque qu’il avait dit « Madame la guide » ? Ce n’était clairement pas son intention, en fait il avait un sens d’humour particulier à lui. Les gens l’adoptaient ou le détestaient. De toute évidence, elle avait semblé le détester. Fini les plaisanteries pour le moment. Quand elle lui dit qu’elle s’appelait Alison, il eut envie de lui dire : « Non, sérieux ? » puisque de toute évidence il avait vu son nom en même temps que de voir son poste sur son étiquette porte-nom. Il se ravisa, elle n’avait pas d’humour. Elle était loin d’être comme Annie la fille de l’immeuble. Elle travaillait depuis un an ici, étrange coïncidence qu’ils ne se soient jamais croisé quand même. La fin de sa phrase lui laissa encore croire qu’elle ne le croyait pas. Bah oui qui parlait des laveurs de vitraux ?

Elle se décida finalement à l’aider avec la poche de glace, il était loin d’être flexible c’était le cas de se dire. Il s’était d’ailleurs toujours demander comment les filles faisaient avec leur soutien-gorge. Il eut un petit frisson quand elle lui mit le sac à l’endroit de la douleur, mais la glace fit du bien et calma quelque peu le brûlement de son dos.

-Oui merci beaucoup… Mais quoi ?

Il la regarda attentivement. Qu’allait-elle lui sortir encore ? Bon sang ! Elle ne le croyait pas encore. Du moins, elle ne savait pas si elle devait ou non. Il décida de ne pas répliquer sur le champ et il se contenta de s’allonger comme elle lui avait suggérer. C’est alors qu’il se sentit complètement ridicule, mais bien sûr il avait une carte d’accès avec sa photo pour pouvoir passer par l’arrière de l’immeuble et déposer ses trucs dans une case. Il la sortit de son portefeuille et la jeune femme sembla s’inquiété de son geste à priori. Il n’allait pas sortir de revolver quand même. Était-elle toujours aussi stressée ?

-Regardez voilà la preuve, désolé de vous avoir effrayez tout à l’heure mademoiselle. J’ai sans doute fait encore du vacarme après ma chute, j’avais tellement peur d’avoir brisé quelque chose et l’eau allait abimer le tapis, c’est pour ça que je l’ai roulé rapidement. Je serais un bien piètre voleur de musée,  ça risque de vous choquer mais je n’y connais absolument rien en art.  




     

   
   

La blonde baissa finalement sa garde face à lui ce qui le soulagea tout d’un coup, mais pas autant que le Voltaren qu’elle était entrain de lui appliquer dans le dos. Elle n’était vraiment pas obligé de faire ça, lui-même ne savait pas s’il l’aurait fait à une pure inconnue. Il profita du moment sans rien dire alors qu’elle continuait à parler, fermant les yeux et grimaçant quelques fois quand ses doigts touchaient une partie douloureuse de son dos. Quand elle lui présenta ses excuses, il eut un petit sourire en s’imaginant la scène d’elle entrain de le combattre lui. En effet, elle ne ferait sans aucun doute poids contre lui.

-Du peu que j’ai pu connaître ce soir, tu m’as l’air d’une fille totalement surprenante. Je suis certain que tu aurais trouvé quelque chose d’inattendu au final qui m’aurait déboussolé avant de te mettre à courir vers la sortie en talon haut.

Alison termina enfin de lui appliquer le Voltaren et il se releva. Il avait déjà prit assez du temps de la guide, il n’allait pas l’importuner plus longtemps. Il était vrai qu’il ne semblait pas y avoir foule au musée ce soir, même que ça l’avait l’air carrément mort, mais il y avait fait vivre assez d’émotions pour la prochaine semaine. Il la revoyait encore avec son parapluie dans les mains en guise d’arme, ce qui lui arracha un petit sourire.

-Merci pour tout, tu n’étais vraiment pas obligée. Je vais t’en devoir une, un de ces jours.

Elle se dirigea enfin vers la boîte de mouchoirs, il était temps pour lui de partir à son tour. Il devrait toutefois ramasser tout le chaos qu’il avait commis plus loin avec sa chute et ranger tous le matériel de nettoyage qu’il avait utilisé. Le placard dans le musée était tellement loin en plus, il n’avait jamais eu autant hâte d’arriver chez lui et de se jeter dans son lit. À l’instant, qu’il tourna les talons pour aller ranger le tout, elle renchérit en lui proposant d’aller le reconduire s’il n’était pas apte à conduire. Comment faisait-elle pour venir au musée en auto ? S’il y avait bien une chose que Ryan avait renoncé en emménagement dans le quartier de Manhattan c’était bien d’avoir une voiture. Aux heures de pointes il était même difficile pour un simple piéton d’arriver à destination. Il préférait de loin la marche, quand il était plutôt paresseux il prenait le métro ou le bus. Les fois qu’il était vraiment en retard, ce qui équivalait à environ 2h00 pour Ryan parce qu’en général il était loin d’être à l’heure, il se payait le luxe de prendre le taxi. Il lui arrivait aussi de louer des voitures de location quand l’envie lui prenait d’aller escalader une montagne dans le New Hampshire.

-Oh je n’ai pas de voiture, je n’habite pas très loin en réalité. À deux blocs du M&M’S World, c’est quoi même pas 30 minutes de marche d’ici ? Je vais être correct. En plus, il me reste encore toutes mes choses à aller ranger, je ne voudrais surtout pas te faire attendre.

Il prit alors sa chaudière et commença à la remplir des choses qu’il avait laissé tombé un peu partout. Il grimaça de nouveau en se penchant. Il ne souhaitait qu’une chose en ce moment que demain la douleur ait diminuée. Il avait une très grosse journée demain et il devait absolument rentrer travailler. Le cordiste arriva finalement à l’échelle et il regarda le haut de celle-ci. Il avait quand même fait une sacré chute quand on y repensait. Et il avait eu quoi ? Un simple mal de dos ? Soit qu’il était vraiment chanceux ou soit qu’il avait de sacré anges gardien. Il avait toujours imaginé sa mère décédée parmis eux.  

-Quand on y repense, je suis quand même chanceux dans ma malchance, j’aurais tellement pu me faire mal en tombant. Surtout avec cette grosse colonne de marbre, tête première ça l’aurait pas fait du bien.