« Une quoi ?! » s'insurgeaient en coeur les cinq garçons, déçus et effrayés de ne pas accueillir dans leur fratrie un nouveau petit mec. « Une fille. » répondit alors la maman, caressant la tête du bébé qu'elle tenait entre ses bras, avant d'échanger un regard avec le papa. Ils n'avaient pas voulu connaître le sexe de l'enfant. Depuis 9 ans, elle n'avait eut que des garçons, et ils pensaient vraiment que Sam en serait un aussi. Ce fut d'ailleurs pour ça qu'elle fut appelée ainsi, toutes ses affaires pour l'accueillir étant prête et à ce prénom.. Une chance qu'ils aient opté pour un prénom mixte.

Grandir au milieu de cinq frères ainés ne fut pas chose aisée. Malmenée ou exclue de leurs jeux, la petite fillette continuait a vouloir intégrer leur troupe, et entrer dans la garçonnière en toute légalité était son plus grand souhait. « quand tu seras un vrai garçon. » grogna l'un d'eux en essayant de la faire tomber du haut de la cabane dans l'arbre, qu'elle avait pourtant grimpé avec brio. C'était quoi, être un vrai petit garçon? Sam n'aimait pas les poupées et préférait de loin jouer à la guerre avec ses ainés, elle pleurait lorsqu'on tentait de lui enfiler une robe, tachait volontairement les habits trop fille a son goût et se battait comme un petit garçon a base de coup de pied, au plus grand désespoir de sa mère qui la voyant comme une princesse. Prête a tout pour être acceptée auprès de ses frères, un jour la petite dernière vola les ciseaux de la cuisine et se coupa ses longs cheveux pour ne plus ressembler à ce qu'elle n'avait pas le droit d'être. Mais elle ne récolta de cet acte qu'une punition et les moqueries des garçons.

« Viens... » lui dit quelques jours le plus vieux de frères en l'aidant a grimper sur les branches. Elle n'avait pas confiance. Qu'allaient-ils faire? La pousser dans le vide ? Non. Ce jour là, elle ne sut pas pourquoi immédiatement, mais elle avait enfin le droit de les rejoindre dans leur forteresse. Heureuse, elle déchanta rapidement une fois dans la cabane en voyant les regards tristes de ses frères. « Pourquoi vous êtes tristes? Si c'est à cause de moi je peux partir » se désola-t-elle du haut de ses cinq ans. Elle n'avait pas comprit la phrase dite par son père quelques heures plus tôt, elle ne comprenait pas que cette même phrase attristait ses frères. « t'es vraiment conne toi alors ! » grogna l'un deux. « maman est morte, ça veut dire qu'elle reviendra plus jamais idiote ! Plus jamais de toute la vie ! » lui expliqua un autre. La petite se colla a son frère ainé, qui caressa ses cheveux en brosse et mal coupé. C'était pour ça que papa pleurait... pensa-t-elle en reniflant bruyamment...
Vêtue de noir, Sam se battait contre les plis de sa robe et personne ne lui disait rien. Devant le trou vide ou les Pompiers se tenaient, droit comme des I pendant que le cercueil de sa maman – de leur défunte collègue – tombait doucement dedans, la petite regarda les gens autour et comprit toute l'ampleur du drame, pourquoi ils pleuraient tous. Elle partie en courant de l'enterrement.

« Sam bouge ton gros cul !on va être en retard! » gueula matinalement l'un de ses frangins depuis le bas de les escaliers. Elle ouvrit les yeux et sauta du lit, enfilant un T-shirt et un short, courant dans les escaliers en s'attachant les cheveux. Elle enfila ses baskets, le rejoignant dehors. Grimpant sur son vélo, elle lui sourit en le dépassant et une dizaine de minutes plus tard, sauta de la selle sur le gazon du terrain de football. Une petite demie-heure plus tard, elle faisait regretter a l'équipe adverse de ne pas l'avoir choisie, marquant le premier but du match, son coéquipier de frère la félicitant d'une tape dans la main. Le retour à la maison fut très bruyant, les deux ados gazouillant de bonheur face à leur victoire, réveillant les derniers dormeurs. Son père la regarda d'un oeil sombre, lui tendant une lettre. « C'est quoi ça? » se grattant le bras, elle prit l'enveloppe avec culpabilité, et fronça les sourcils en la voyant ouverte. « P'pa ! T'avais pas le droit de l'ouvrir ! » hurla-t-elle en sortant une lettre d'accord suite a son inscription à la caserne de pompier de la ville comme jeune volontaire. « je t'interdis de te lancer la dedans Sam ! » rétorqua son paternel, furibond, exaspéré par son adolescente de fille qui voulait suivre les traces de sa mère. Pensant la punir en lui interdisant la bal de fin d'année de sa classe, elle lui répondit « j'en ai rien a branler ! C'est que les connasses qui aime ça ! C'est tous des cons dans ma classe de toute façon! » avant de partir prendre une douche. Pourquoi c'était que des cons ? Parce que Sam était le vilain petit canard. Elle était complètement différente des filles de son age qui préférait passer leur temps a parler coiffure, mec et people. Dans ses habits trop large pour elle, elle était souvent prise pour cible par les filles du lycée, ressemblant bien plus a l'As de pic qu'à une jeune fille de 16 ans. Pourtant des tenues correctes, elle en avait. Mais elle préférait de loin les sweat trop grand de ses frères aux habits moulant à la mode. Parce que si mentalement, Sam était devenue un « vrai garçon », physiquement, son corps se jouait d'elle. Sa taille s'affinait de plus en plus, ses formes lui rappelait sa féminité refoulée. Ses frères n'avaient pas de soucis a se faire sur la façon de protéger leur petite soeur des grands méchants garçons, ignorant qu'elle devenait le type de filles dont ils parlaient sans arrêt, et semblait même avoir oublié qu'elle en était une, cachée sous ses habits trop grand. Souvent ils disaient être 6 garçons dans la famille. Et les gens autour d'elle la considérait comme tel. Au lycée aussi. Les quelques amis qu'elle avait était les garçons avec qui elle faisait du sport en dehors des cours. Elle était vu comme le sportif le plus populaire aux yeux des lycéens, elle était toujours la première choisie dans une équipe de foot ou de basket. Il n'y avait qu'une discipline qui la terrorisait. La natation. Elle était bonne en ça aussi mais elle refusait de montrer son corps, se faisant dispensée au mieux a chaque fois, et au pire, séchant pour être absente. Le prof de sport vint la choper sur le terrain du lycée, ou elle s'amusait a montrer ce qu'elle savait faire de son ballon, jalousée par les mecs. « Mademoiselle Kalama – Sam. - corrigea-t-elle en faisant rebondir la balle sur ses pieds ou ses genoux – Sam. » dit alors le prof en prenant le ballon pour avoir son attention. Il lui expliqua agacé que si elle ne daignait pas se montrer le lendemain au cours, il lui mettrait un zero. Elle haussa les épaules, s'en fichant pas mal. Désespéré – il ne comprenait pas pourquoi elle refusait de faire ce sport là, alors qu'elle excellait dans tout les autres – il répliqua en lui rendant son ballon « Sam, si n'avez pas de notes, vous n'aurez pas votre année. Et si vous n'avez pas votre année... Dites au revoir aux pompiers. » son choix de carrière n'était un secret pour personne.

Le lendemain, elle se présenta donc en maillot de bain à la piscine. Ce fut la surprise générale, des messes basses raisonnaient dans le bâtiment. Et la nouvelle ne mit pas longtemps a circuler. Sam Kalama était bien foutue, c'était une vraie nana. En rentrant chez elle le soir son frère lui lança même un « tu sais comment on t'appelle aux lycée? Sam Kalamamelle ! Putain mais tu pouvais pas être normale ?! » Elle baissa la tête, ayant l'impression d'être coupable de ça. Elle sécha les deux jours suivant, pensant qu'ils oublieraient tous. Mais non . Sa vie lycéenne ne serait plus jamais la même. Les filles ne se moquaient plus d'elle – pour que Sam prenne le trône de la pouf populaire, ça n'était que l'affaire d'une semaine, elles préféraient se tenir a carreaux – mais le regard des garçons avaient changés sur elle. Elle provoquait des commentaires déplaisant sur son passage ou des sifflements. « Hé mec tu viens viens chez moi demain soir ? On fait une soirée avec les gars. » lui proposa l'un des footballeurs de l'équipe du lycée avec qui elle tapait la balle régulièrement. Elle sourit. C'était un soulagement de savoir que certaines personnes ne la voyait pas autrement, juste pour une histoire de corps. Mais.. elle avait tord...

Comme a chaque soirée, Sam se frayait un chemin vers les groupes de mecs, riant avec eux, parlant sport, se moquant des poufs présentes qui ne tenait déjà plus debout. C'était une vraie pause pour elle. Entourée d'eux, elle se sentait dans son élément, elle se sentait elle. Les quelques abrutit qui vinrent la collé de trop prêt se faisant refouler par l'un de ses frères présent, ou par les gars de la bande. Et puis la soirée commença à s'essouffler. Dans les dernières, Sam monta a l'étage rechercher son manteau et la lumière du couloir qui éclairait la chambre disparu. Elle se tourna et regarda Liam, qui avait refermé la porte derrière elle. « t'avais peur que je me perdes? » plaisanta-t-elle en récupérant l'unique manteau, le sien. Il lui sourit en s'approchant d'elle, et d'un mouvement étonnamment rapide pour un mec qui semblait ivre, l'attrapa. « c'est vrai ce qu'on dit au lycée? » demanda-t-il, ses mains baladeuses répondant a sa question à la place de Sam. Se débâtant, elle le gifla. Saoul ou non, elle ne tolérait pas un tel comportement. Sortant de la chambre elle chercha son frère du regard, avant de se rappeler qu'il lui avait dit une heure plus tot, qu'il rentrait. Arrivée devant la porte d'entrée, elle tenta de l'ouvrir et constata qu'elle était fermée a clés. C'était quoi ce plan foireux ? « Tu veux dejà partir ? » lui demanda un de ses « amis » sportif. « tu sais Sam j'ai toujours cru que c'que je voyais. Y'a des rumeurs sur toi, et .. j'veux voir ! » dit l'un d'entre eux. Lorsqu'il s'approcha trop d'elle se montrant trop entreprenant, la demoiselle lui colla son genoux dans les parties avant de se faire attraper par les autres. « Arrête de faire ta meuf ! J'croyais qu'on était des potes ! » lui dit l'un d'eux en lui enlevant son T-shirt alors qu'elle se débattait, ses cris étouffés par une main....

Sam ouvrit les yeux, le coeur palpitant, dans un cri. Elle mit quelques secondes avant de réaliser qu'elle n'était plus a cette soirée, qu'elle était dans son lit, à New-York. Ils n'étaient pas là, ils ne lui faisaient rien. Tentant de calmer l'une des nombreuses terreurs nocturne qu'elle faisait depuis cette nuit là, elle se laissa retomber sur son oreiller, avant que ses larmes prennent le dessus, comme à chaque fois.
« Hé ben Sam, t'as pas l'air en forme.. » s'inquiéta un collègue, en lui serrant l'épaule, le lendemain. La jeune femme lui sourit, enfilant son casque « tu rigoles ? J'ai jamais été si en forme. Allez, arrête de parler et met la sirène ! » dit-elle au conducteur du camion. Comprenant que comme d'habitude, elle n'avait pas envie de parler d'elle, il se mit en route, mais tenta tout de même : « tu vas a l'anniversaire de ton père ce week-end ? J'vais vers Pittsburgh aussi on pourrait - » La jeune femme leva les yeux et alluma d'elle même la sirène, couvrant la voix du pompier, et coupant ainsi la discussion. Des sujets qui fâche de si bon matin, ça ne devrait pas être permis...

Coupant son téléphone pour manquer le vingtième appels des frères Kalama, elle sourit au type qui venait de lui offrir un verre. « Alors Jude, tu fais quoi dans la vie ? » lui demanda-t-il curieux de connaître un peu plus cette femme mystérieuse qui lui souriait. Passant sa main dans ses cheveux, elle lui répondit bosser dans une une grande enseigne de maquillage. Une vie inventée de toute pièce, de son prénom jusqu'à son métier. Loin de la caserne, elle pouvait vivre sa féminité qu'elle avait acceptée et dont elle savait jouer. Pourquoi ? Parce qu'imaginer être sur le terrain, devant un immeuble en feu, ne vivre que pour ça, vouloir entrer dedans pour aider les résidents, et qu'un chef à la noix refuse votre aide sous prétexte qu'il faut des hommes forts... croyez moi, vous ne voulez pas afficher votre vraie nature. Ce jour là, Sam avait prit un avertissement, étant entrée malgré l'avis du chef dans le brasier. Personne ne l'avait assuré et elle aurait pu y rester dans le plus grand secret. Pourtant ce jour là, elle avait sauvé 6 personnes. « C'est vrai ? Je l'aurai deviné, t'as vraiment la tête a faire ça! » sourit le dragueur. Elle le regarda amusée. Ah, s'il savait. Elle mentait sur son métier, depuis qu'un homme s'était senti moins viril qu'elle en apprenant ce qu'elle faisait, alors qu'il était tout fier de dire qu'il était patron d'une grosse entreprise. Et puis, mentir sur ça lui évitait les questions telles que « Oh tu connais alors machin ! Il est pompier aussi ! » ou les jugements semblable a la misogynie de son chef. C'était une double vie qui lui permettait de n'avoir de compte a rendre a personne. Au travail, elle était Sam, le super pompier garçon manqué , et la nuit, elle était n'importe qui. C'était une façon pour elle de souffler, et surtout, d'oublier qui était Sam. La Sam qui pleurait une nuit sur deux a cause d'un passé honteux, la Sam qui ne pouvait rendre fière sa mère, la Sam qui n'allait pas a l'anniversaire de son père pour ne pas subir de nouvelles reproches sur son choix de carrière, et sur sa vie en général. Bref, la Sam de Pittsburgh.

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