Treize heures. Les rues agitées et bruyante de New-York  réveillèrent la rousse, à peine remise de ses émotions. La nuit dernière était encore une nuit de folie, nuit dont elle ne se souvient de rien, une fois de plus.. Quelques seringues trainant au pied du lit ainsi que des cadavres de bouteilles permettent de pointer du doigt la raison de ce trou noir. Liv’ avait craqué, hier soir. Depuis son arrivée dans cet appartement, sa vie ne ressemble en rien à ce qu’elle était auparavant. Drogue et alcool font presque tout le temps partit de ses repas journaliers, sauf lorsqu’elle doit travailler. Embauchée depuis deux semaines à l’hôpital, Olivia reste la fille modèle dans son travail. D’ailleurs, elle-même ne sait pas comment elle peut tenir mais après tout, elle a bien porté un masque durant plusieurs années pour cacher ses sentiments à tout le monde.

S’étirant lentement dans son lit, Liv’ laissa échapper de ses lèvres un long soupir d’agacement ; Dans son crâne, un petit singe aux cymbales s’amusait à la torturer. La douce lumière du soleil à travers les rideaux lui brulait les yeux et l’envie de vomir se mit à surgir au fond de sa gorge. Vive la gueule de bois. Se redressant alors, elle partit verser de l’eau dans un poêlon pour le poser sur le feu. Elle appréciait le thé à la menthe lors d’une gueule de bois, c’est un peu le café de Monsieur et Madame Toutlemonde pour elle. Simplement vêtue d’un tee-shirt large, de son boxer et d’une paire de lunettes de soleil qu’elle attrape au passage, elle attendit patiemment l’eau chaude tout en déposant au creux de la tasse le petit sachet de thé. Son état était assez pitoyable, il fallait bien se l’avouer.

La sonnette de l’appartement se fit alors entendre, ce qui accentua le mal de tête de la rousse. Gémissant tout en trainant des pieds, elle arriva lentement face à la porte qu’elle ouvrit, sans pour autant regarder devant elle.

- Oui, c’est pour ?

Sans pour autant faire attention à la personne qui se tenait devant elle, Liv se mit à soupirer. Aller ouvrir la porte la dérangeait vraiment, surtout dans cet état.. Puis, il fallait dire qu’elle n’avait pas beaucoup de visites imprévues, il s’agissait donc très certainement d’un vendeur à la noix. Rapidement, elle s’adossa à la porte afin de se tenir, après avoir ressenti une petite perte d’équilibre. Ajouter à cela l’envie incessante de vomir. Olivia ressemblait à un vrai déchet sur patte et ce n’était pas très beau à voir. Ses douces pommettes viraient au blanc cadavérique et ses lèvres roses vif au pastel. Fort heureusement, Olivia apprécia porter ses grosses lunettes de soleil. Elles lui mangeaient presque tout le visage et cachaient ses petits yeux rougis de ses activités nocturnes.

Lorsqu’elle entendit « Liv », le sang à travers son corps se glaça. Cette voix, elle pourrait la reconnaitre parmi des milliers. Elle ne l’a jamais oubliée, comment aurait-elle pu ? Redressant ses prunelles, son regard se déposa sur le visage de son frère. Que faisait-il ici, à la porte de son appartement ? Comment l’avait-il retrouvée ? Vu son état, il lui était incapable de faire quoi que ce soit. Tout ce qu’elle sut faire était de déglutir. Après s’être échappée de la façon dont elle l’avait fait, Aaron allait lui passer un sacré savon. Surtout vu son état actuel.. Sans le contredire, elle laissa Aaron entrer de lui-même dans son appartement, suivit de sa valise. Venait-il s’installer chez elle.. ? Liv se retourna lentement, plus que confuse et perdue. Trop de chose se passait à cet instant dans sa tête, elle avait beaucoup de mal à suivre.

Fermant la porte dans son dos, son regard le suivait dans tous ses gestes. Que devait-elle lui dire après tout ? Qu’elle était la plus grosse garce de l’avoir laissé seul ? Qu’elle était partie parce qu’elle était complètement paumée ? Puis, merde ! C’était de sa faute aussi, pourquoi lui avait-il dit tout ça ? Dans la cuisine, la bouilloire sur le feu se mit à siffler et signale donc que l’eau est prête.

- Je.. Euh.. Me fais un thé. Tu veux.. Un truc ou.. ?, dit-elle d’une voix douce et gênée.

Ses mains se rejoignirent, tic qu’elle a lorsqu’elle se trouve dans un moment qui la rend mal à l’aise. Rapidement, elle fit tout pour disparaitre de l’autre côté de la pièce et tourner le dos à Aaron. Arrêtant le feu, elle prit la bouilloire et se versa de l’eau dans un mug transparent avant d’attendre quelques instants sans bouger. Que devait-elle faire à ce moment-là ? Le prendre dans ses bras, lui foutre une claque monumentale ? Elle ne savait. Et elle n’était pas encore prête à le revoir..

- Qu’est-ce que tu fais ici, Aaron.. ?, dit-elle en se retournant vers lui.

Elle n’avait pas l’air d’être en colère, juste d’être bouleversée de cette arrivée. L’appartement était à moitié rangé. On pouvait voir qu’elle le nettoyait régulièrement, mais que les derniers jours l’avaient dépassée. Des cadavres de bouteilles trainaient dans la cuisine et autour du canapé, mais également son équipement pour se piquer. Quelques assiettes et verres occupaient l’évier ainsi que d’autres affaires insignifiantes. En dehors de ces détails, il était très grand et moderne. Les baies vitrées recouvertes de rideaux cachent une jolie vue sur la ville. L’appartement qu’elle possédait était dans un très bon emplacement. Elle l’appréciait vraiment.

Tenant son mug entre ses doigts, elle resta à distance de son frère tout en gardant ses lunettes. Cette situation ne lui plait vraiment pas à vrai dire, surtout lorsqu’elle ne sait pas comment réagir et qu’il ne semble pas tellement savoir non plus. Le grand tee-shirt qu’elle portait était effectivement le sien,  chose qu’elle oublia jusqu’à ce moment, ce qui lui fit croiser les bras contre sa poitrine bien qu’il l’eut déjà vue ainsi.

- Comment tu m’as retrouvée.. ?

Là, elle se mit à attendre les réponses à ses questions. Au moins, dans sa tête, le tout sera un peu plus clair. Enfin, elle l’espère..

Restant du côté de la cuisine, Olivia s’appuya quelques instants au niveau de la plaque de cuisson. La bouilloire ne sifflait plus, même si de la vapeur continuait à s’échapper. Jamais, ô grand jamais, elle n’aurait pu t’imaginer débarquer dans son appartement sans prévenir. Au moins appeler, ça aurait pu être plus sympa que d’arriver de cette façon. La rousse ne e sentait absolument pas prête de te revoir et d’avoir une conversation sur ce qu’il a pu se passer. Raclant sa gorge, elle se retourna afin de remplir sa tasse de l’eau bouillante, puis de reposer le récipient assez lourd sur les plaques. « Je voulais te revoir Olivia, j'étais mort d'inquiétude et je ne suis pas le seul... Les parents aimeraient avoir de tes nouvelles, savoir que tu vas bien. » Les parents.. Connaissant Olivia, ils savaient qu’elle peut se débrouiller seule même si il est vrai qu’elle n’a jamais passé autant de temps sans un coup de fil. Ils lui manquaient et elle savait qu’elle leur manquait. Les pauvres.. Elle avait fait souffrir un tas de personnes.. Mais elle n’était absolument pas capable d’appeler qui que ce soit après sa fuite. Pourtant, ce n'est pas faute d’avoir essayé.

- Vous saviez que je pouvais me débrouiller seule. Je suis une grande fille, Aaron. Et papa et maman.. Comment vont-ils ?

Prenant une première gorgée de son thé, la réponse du détective la laissa perplexe. La rousse avait fait tout ce qu’elle pouvait pour être tranquille ; changer de compte bancaire, de numéro de téléphone, de vie. Mais son choix se portant sur une grande ville, elle aurait dû se douter qu’elle était visible aux yeux de tous ici. Un simple « D’accord » clôtura ce sujet. Elle aurait dû être plus prévoyante sur le coup..
"Liv pourquoi tu te détruis comme ça ? A cause de moi ? Je suis désolé si je t'ai blessée ou autre mais je me devais de te dire ce que je ressentais pour toi. J'ai gardé le silence trop longtemps à ce sujet..." Aaron la fit sortir de ses pensées, ce qui la rendit bien plus mal à l’aise. Cette conversation, elle n’était en aucun cas préparée à l’avoir et peut-être qu’elle ne souhaitait jamais l’avoir. D’ailleurs, elle essaya de trouver une échappatoire dans sa tête ; peut-être en déviant sur une autre conversation sans qu’il ne s’en rende compte ou encore mieux en quittant la pièce, mais lorsqu’elle redressa les prunelles sur Aaron, il attendait sa réponse. Son regard essayait de la percer à jour, ce dont elle a horreur. Hésitant encore à ce qu’elle va pouvoir dire, Liv’ se mit à soupirer.

- Ce n’est pas de ta faute Aaron.. Enfin, si mais dans un autre sens, non. J’avais juste besoin de partir.

Voilà tout ce qu’elle pouvait dire en réponse à ses questions. Elle se sentait tellement idiote de ne pas savoir en dire plus mais sa conscience lui demanda de se taire.. Qui sait ce qu’il se passera si elle avoue que les sentiments qu’il a (ou avait) sont réciproques. Reposant la tasse de thé sur la table, elle partit vers la baie vitrée afin d’admirer la vue de la ville et de se détendre. A vrai dire, elle ne supportait plus le regard de son frère. Croiser ces prunelles perdues, brillantes et fatiguées.. Ce n’était pas possible.

- J’ai une chambre d’ami au bout du couloir à droite.. Tu devrais aller te repose un peu, tu as l’air fatigué de ton voyage. Laisse tes valises à l’entrée, je les rangerais plus tard.

Voilà qui sembla faire court à toute autre conversation. La fuite, une nouvelle fois. Passant les mains sur ses bras nus, elle ne se tourna pour autant pas vers Aaron. Elle ne pouvait pas lui faire face, pas comme ça. Jamais auparavant ils n’avaient été dans une telle situation ou même dans une telle ambiance. Eux qui, à chaque retrouvailles, font tout pour être proches l’un de l’autre, aujourd’hui tout semble disparu. Son regard perdu dans la ville, elle ouvrit la baie vitrée afin de partir sur le balcon. La rousse ouvrit un paquet de cigarette, en sortit une qu’elle alluma sans ajouter mot.