Ce matin-là, Savannah surfait sur le net. Elle interrogeait sa boite de messagerie, à la recherche d'éventuelles nouvelles. Le travail de styliste l'obligeait à rester alerte chaque instant de la journée. Mais au petit-matin – si on pouvait appeler dix heures un petit-matin, Savannah aimait s'installer dans son lit, allumer son ordinateur portable et se balader sur Internet. La jolie brunette ouvrit un de ses mails et sourit : une de ses clientes lui demandait un conseil de dernière minute. Pouvait-elle, oui ou non, porter ce short sans se sentir grosse et vieille : la réponse était oui. Mais certainement pas avec les chaussures qu'elle avait ajoutées en pièce jointe. Une fois sa réponse envoyée, Naughty Lewis passa au courrier électronique suivant. C'était un courrier du maire. La ville accueillait une fête foraine. La jeune femme sourit, ce genre d'attractions la rendait toujours joyeuse. Savannah ne tarda pas à éteindre l'appareil et à sortir du lit. Elle enfourna dans sa bouche la dernière poignée de raisin qu'elle s'était préparée pour le petit-déjeuner et se dirigea vers la salle de bain. L'eau coula sur son corps et le savon suivit. La jolie jeune femme s'attacha les cheveux en un chignon rapide, mais esthétique. Un trait d'eye-liner plus tard, elle était prête à partir. Dans sa robe d'été florale, elle resplendissait de gaieté. Ses bottines ouvertes à talons lui donnaient les quelques centimètres supplémentaires qui étaient nécessaires à son assurance légendaire. Et elles la traînèrent droit jusqu'à son salon de coiffure préféré. La jeune femme avait besoin de faire refaire ses mèches. Elle pensait même à un léger balayage... Mais le blond n'était pas une option. Le tout était d'être naturel. Sans l'être vraiment. Celle qui s'occupait toujours d'elle était présente, fidèle au poste. Et un regard permis à Savannah d'être prise en charge sans aucun rendez-vous.

Très bien, elle n'en doutait pas. Savannah échangeait de magnifiques coups de ciseaux contre de la publicité faite auprès de ses meilleurs clients. La jeune femme demanda un Moka Latté au soja qui lui fut promptement apporté par une des apprentis qui fit spécialement pour elle un saut au Starbucks voisin. Et tandis qu'Andrea la coiffait, Savannah échangeait avec elle les derniers potins locaux. Bientôt, ses mèches furent fixées, et Savannah put s'en aller avec le sourire. Andrea avait structuré ses cheveux en de merveilleuses anglaises, serrées juste ce qu'il fallait pour onduler ses cheveux sans les boucler comme au XIX^ème siècle. Parfait ! Son téléphone émit le doux son d'un oiseau et Savannah ouvrit le message qu'elle venait de recevoir : c'était Adam. Ils étaient restés proches depuis leur première rencontre. Elle se sentait suffisamment en confiance pour lui révéler quelques traits de sa véritable personnalité. Même à présent qu'il n'était plus un inconnu qu'elle savait ne plus jamais recroiser !

Spoiler:

"mais tu es toute pardonnée, je viens d'arriver." Savannah ne savait pas trop si elle pouvait croire le jeune homme sur parole, après tout, il était toujours d'une gentillesse maladive. Il n'avait même pas eu le courage de la renvoyer d'où elle venait – c'est à dire un tabouret vacillant posé devant un bar rongé par les mites – lorsqu'elle était venue le draguer. À l'époque, elle l'avait pris pour un de ces nombreux hommes, tout juste bons à consommer. Et avec le peu d'estime qu'elle avait d'elle, Savannah s'était dite qu'elle pourrait profiter de sa présence pour la nuit. Et cela avait bien été le cas... Mais ils avaient pratiqué un tout autre genre d'activité : ils avaient discuté une bonne partie de la nuit avant de s'endormir. Et bien que cela n'ait point été dans ses plans, Savannah devait bien s'avouer satisfaite. Adam avait été une oreille attentive et elle s'était efforcée d'en faire de même. Ils n'étaient alors que deux inconnus, tombés l'un sur l'autre, le cœur gros. Cela avait sans doute facilité les confidences. Et ils s'étaient parlés, se révélant leurs frustrations, leurs vies et leurs regrets. Savannah s'était ouverte à Adam et avait abandonné Naughty Lewis derrière elle. Et comme cela faisait du bien !, ne serait-ce que le temps d'une nuit. Elle était alors persuadée qu'Adam l'appréciait – ou non d'ailleurs – que pour une chose : elle-même. Et non pas pour la façade qu'elle aimait dresser tout autour d'elle. Alors, Savannah décida de le croire sur parole, tout en sachant qu'il était peu probable pour qu'il lui reproche son retard. Elle le questionna alors sur son activité professionnelle, s'assurant qu'il était bien présent de son plein gré. Elle, pour sa part, était toute excitée. Elle ne s'était pas rendue à une fête foraine depuis des lustres et ne se ferait très certainement pas priée pour monter dans une des multiples attractions qu'elle proposait. "Je ne vais pas au refuge avant la fin de la journée. Et Mr Jefferson a son jour de repos aujourd'hui. Parfait. Ils allaient pouvoir prendre du bon temps sans craindre qu'il n'ait à l'abandonner en plein milieu d'un manège ! "Ça va toi ? Tu t'es faite toute jolie !" dit-il en avançant sa main vers une de ses mèches de cheveux qu'il caressa comme un petit-ami l'aurait très certainement fait. Ou un grand frère plutôt. Savannah le trouvait toujours aussi beau et captivant, mais elle savait que son cœur était pris par une autre. Et si elle en doutait, la nuit très chaste qu'ils avaient passé tous les deux l'avait conforté dans cette direction. Adam était amoureux. Éperdument épris d'une femme qu'elle ne connaissait pas encore. C'était beau... quand on y songeait ! Elle-même rêvait d'une relation comme la leur.

Adam enchaîna ensuite en affirmant qu'il n'avait pas mis les pieds dans un tel endroit depuis quelques années déjà. Savannah le dévisagea, un grand sourire aux lèvres. Elle espérait qu'il aimait cela au moins autant qu'elle. Autrement, elle allait rapidement le fatiguer à sautiller dans tous les coins ! C'était ainsi, elle se sentait capable d'être elle-même avec lui. Du moins, tant qu'ils ne rencontraient pas des gens qu'elle connaissait. Là, son attitude risquait de changer du tout au tout !

Lui demanda-t-elle, l’œil taquin. Elle lui avait proposé une barbe-à-papa pour s'excuser et Adam sembla ne pas avoir oublié. Il sauta sur l'occasion, déclarant qu'il acceptait de renouer avec une telle quantité de sucre. Savannah gloussa. Essayait-il d'éviter le sujet ? La jeune femme rendit les armes... mais seulement temporairement. Quand elle avait une idée en tête, elle ne l'avait pas autre part !

Lui répondit-elle alors, le sourire aux lèvres. Ils se mirent ainsi en route vers un des nombreux stands. Mais Savannah les ralentissait un peu. Elle sentait ses pieds hurler à la mort à chaque fois qu'elle faisait un pas. Quelle idée aussi de courir avec des chaussures neuves! Comme lisant dans ses pensées, Adam s'arrêta et arqua le coude pour lui offrir son bras. La jeune femme lui rendit son regard et l'attrapa de sa main. Elle prenait ainsi appui sur lui et soulageait ses pieds d'une torture non-négligeable.

Bientôt, ils arrivèrent près du vendeur qui distribuait sa barbe-à-papa à la cliente qui les avait devancés. Savannah sourit et demanda deux de ses sucreries au vendeur. Celui-ci commença à les préparer devant eux, maniant les bâtonnets avec une dextérité qui avait toujours captivée Savannah. Étant très jeune, elle s'était jurée d'apprendre comme faire pour créer d'aussi belle merveilles. Lorsqu'elle avait réussi à faire acheter à ses parents un appareil semblable à celui qu'elle avait devant les yeux, Savannah n'était parvenue qu'à créer des montagnes de sucre difformes. Rien de comparable en tout cas!

Fit-elle après avoir payé leur consommation outrageuse de sucrerie.

Accrochée au bras d'Adam, la jolie Savannah ignorait tout du petit drame familial qui avait lieu, en ce moment-même, entre Hanna et le fils de Jimmy. Et c'était peut-être mieux comme ça... Comme son nouveau confident allait bien vite l'apprendre, Savannah avait pour sale habitude de se mêler des affaires des autres. Et l'affaire fut été heureuse si la jeune femme n'était pas maladroite ! Un véritable éléphant dans un magasin de porcelaine. "Non, un gentleman aurait échangé ses chaussures. Mais je ne sais pas marcher avec des talons." Savannah ne put s'empêcher de rire, se l'imaginant trébucher sur ses hauts talons aiguilles. C'est exactement ce qu'aurait répondu le parfait gentleman ! songea-t-elle. À quelques détails près.

Elle portait un sourire franc aux lèvres. Pas un de ces masques joyeux qu'elle arborait quotidiennement. Adam savait la faire rire et il ne s'en privait visiblement pas. La jeune et jolie jeune femme décida donc de lui payer une barbe-à-papa, passage obligatoire de la fête foraine, pour se faire pardonner de son retard. Une fois devant le stand, la jeune femme n'avait pu s'empêcher d'observer le moindre mouvement du vendeur. Il maniait la baguette de bois avec dextérité, façonnant une énorme masse de sucre rosé sur le bâtonnet. Elle en était folle ! Selon elle, se rendre à une fête foraine sans se payer au moins une barbe-à-papa revenait à gâcher son temps. C'était comme aller dans un salon de coiffure sans se faire couper les cheveux. Participer à une fête sans boire un verre de champagne. Acheter une boite de chaussures vide ! Adam la remercia, la gratifiant au passage d'un "gentlewoman", probablement spécialement inventé pour l'occasion. Ce qui la fit sourire à nouveau.

Elle lui sourit, se raccrochant à son bras pour ne pas hurler à chaque pas. Et tandis qu'il enfournait déjà une bouchée de la sucrerie dans sa bouche, elle observa les alentours, se demandant à voix haute quelle attraction ils allaient d'abord honorer de leur présence. La Grande Roue leur tendait les bras, et des dizaines de stands offraient des jeux de tirs en tout genre contre des peluches et d'autres babioles inutiles. Bagatelles qu'elle se ferait un plaisir de conserver jusqu'au prochain déménagement – autant dire une éternité ! "Un tour de roue? Ça permettra de prendre un peu de hauteur pour voir tout ce qu'on peut faire." Savannah acquiesça d'un geste de la tête, sa bouche maintenant occupée par une montagne de sucre coloré. Les deux jeunes gens se dirigèrent ainsi vers l'énorme attraction comparable à un œil gigantesque, surplombant la plupart des attractions. Adam avait eu là une chique idée : elle allait pouvoir soulager ses orteils endoloris. Et avec un peu de chance, l'attraction se bloquerait, les coinçant tout en haut. Elle était quasi-prête à payer le responsable pour qu'il accorde à ses petits petons vingt minutes de répit. "Si jamais tu veux une peluche géante, demande-moi. Quand je travaillais au Ranch avec mon père, il m'a apprit à tirer. Je suis redoutable." Savannah le dévisagea, s'arrêtant net. Son visage se métamorphosa en celui d'une gamine rêveuse et d'une toute petite voix elle demanda :

Elle lui sourit, attendant avec impatience sa réponse.

Savannah sourit à une jeune femme qui vendait des crêpes. Elle l'avait croisé quelques jours au par-avant, alors qu'elle se baladait – travaillait, plutôt – dans les rues de New York. Cette dernière s'était avérée être une fan de son travail – ce qui l'avait beaucoup flattée, il fallait bien l'avouer – et Savannah lui avait alors offert un café. Et bien qu'elle lui ait donné son numéro, la styliste s'étonnait toujours de ne pas avoir eu de ses nouvelles. Silencieusement, elle se promit d'aller la voir tout en lui faisant signe bonjour. Leur tour arriva enfin et Savannah entraîna Adam sur la nacelle. Elle avait déjà terminé sa barbe-à-papa dans la file d'attente et avait jeté le bâtonnet dans une poubelle qui, selon toute probabilité, avait dû apparaître à ses côtés rien que pour lui faire plaisir.

Lui demanda-t-elle, curieuse, alors que la nacelle s'élevait enfin dans les airs. Une main sur la barrière, elle se servit de l'autre pour détacher ses lacets – plus décoratifs qu'autre chose – et pour séparer les fameux instruments de torture de ses pieds. Tout bas, elle laissa échapper un : « Pfiouuuu ! », soulagée.

La fraîcheur de l'air caressait ses pieds, maintenant à l'air libre. Elle soupira de bonheur en sentant son pied gauche se décontracter. Pour une raison mystérieuse, c'était celui-ci qui avait le plus morflé. Peut-être prenait-elle plus appui sur ce dernier ? Malgré tout, les deux étaient rouges et endoloris. Et le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'elle appréciait de pouvoir les libérer de leur corset de douleur. Adam avait eu là une chic idée ! "Mouais. Enfin y'a longtemps. C'était un Ranch du côté de Denver, et quand ma mère nous a quitté, c'était trop de boulot pour mon père. Donc je lui ai donné un coup de main. J'aimais bien ! Dommage que la fin ne soit pas jolie." lui répondit-il en guise de réponse. Bien sûr, cela devait être la version raccourcie. Mais elle saurait s'en contenter. On ne pouvait pas toujours revenir sur chaque détail de sa vie. Même en le souhaitant très fort. Savannah lui sourit, attendrie. Cela ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait du jeune homme. Il avait le cœur sur la main et n'hésitait pas à aider quelqu'un. Qu'il le connaisse ou pas. Il avait des valeurs qu'il s'efforçait de respecter à la lettre et autrement, portait à bout de bras la culpabilité d'avoir failli. Il n'en était que plus attendrissant. La jolie brunette resta silencieuse encore quelques secondes. Mais finalement, tandis que la navette les portait un peu plus haut encore, dans une douceur qui avait le don d'en agacer plus d'un, la jolie jeune femme lui posa une question qu'il devait être difficile pour lui de répondre. Elle ne se doutait pas à quel point cette épreuve avait dû être compliqué pour lui. Et très franchement, elle regretterait sans doute d'avoir même osé poser la question.

"C'est cette femme. Tu sais, celle du refuge, je t'en ai déjà parler." Savannah s'en rappelait comme si c'était hier. Il lui en avait touché quelques mots lors de leur première rencontre au bar. C'était ainsi que Savannah avait appris que le cœur d'Adam était déjà pris. Et qui plus est, par une femme au cœur aussi généreux que le sien. Apparemment pas tant que ça puisque celle-ci venait de briser celui du charmant vétérinaire. "Enfin, c'est ce que j'pensais, jusqu’à ce qu'elle enfile son alliance..." Aïe. Le pauvre Adam semblait s'être fait aspiré dans une triangle amoureux des plus compliqués. Lui-même avait fait l'expérience de la tromperie de sa fiancée avec son meilleur ami et partenaire. Autant dire que la situation devait être atrocement douloureuse pour le jeune homme ! "Tu m'diras, je pourrais continuer. Mais... Vu mon passé, je ne me vois vraiment pas réitéré les erreurs des autres qui m'ont détruites." Sa réputation de Naughty Lewis pouvait parfois lui porter préjudice. Et dans le cas présent, Adam pensait que Savannah, elle, aurait foncé tête baissée en tentant d'oublier les conséquences. La jeune femme ne put s'empêcher de hausser un sourcil. "A croire que je ne sortirai jamais d'un triangle amoureux !" À présent, elle comprenait pourquoi Adam semblait déprimé. Non seulement devait-il se sentir déçu, mais il devait en plus se sentir coupable de ne serait-ce qu'envisager de continuer dans cette voie et d'espérer qu'elle le choisirait lui au détriment de son mari. La vie avait décidément un très mauvais sens de l'humour !

À la tête qu'il faisait, elle comprit vite qu'il n'y avait aucun doute possible.

C'était peut-être maladroit, mais elle le pensait.

La jeune femme n'était pas d'un tact fou. Mais elle s'efforçait d'être là pour lui sans avoir eu le moindre aperçu de leur relation. Savannah sourit et se pencha vers lui en déposant sa tête promptement sur son épaule pour lui faire savoir qu'elle était là pour lui. Elle ne savait même pas à quoi cette femme ressemblait. Étrangement, elle l'imaginait blonde, aux cheveux blonds et d'un agacement impeccable. Le genre de femme qui ne se satisfaisait jamais de ce qu'elle avait.

Savannah ouvrit grand les yeux. Elle sentit tous ses membres se contracter simplement au rappel de son bon vieux rêve. Un fantasme inatteignable. Selon elle. Elle resserra sa poigne autour du dépliant qu'il venait de lui tendre. Elle se sentait à la fois touchée et agressée en même temps. Sa réaction était stupide. Elle en était consciente. Mais Savannah avait tant l'habitude de se sentir comme une usurpatrice qu'elle avait toujours ce sentiment de retenu quand quelqu'un entrait dans son véritable monde. Un univers où elle était susceptible d'être blessée... pour toujours. "Je me suis dit que tu pourrais y faire un tour, juste pour voir ?" Savannah lui jeta un regard rapide, trop honteuse pour réussir à maintenir son regard plus d'une seconde.

L'attention la touchait. Réellement. Mais elle cherchait un moyen d'échapper à l'idée de réussir. Comme toujours.

Elle vira au rouge, comme si elle sentait qu'Adam pouvait lire à travers elle. Fort heureusement pour elle, le voyage allait bientôt se terminer et leur navette allait déjà atteindre le sol. La jolie brunette enfila de nouveau ses chaussures et tenta de détourner leur conversation :

Fit-elle en référence à sa promesse.

"mais je n'en veux pas des centaines. Juste une...juste elle..." Combien de fois? Combien de fois avait-elle rêvé qu'un homme dise quelque chose de semblable à propos d'elle ? Et qu'il le pense vraiment ? Hein ? Des tas. Car même si Savannah refusait de se l'avouer – parce que c'était être faible qu'être romantique, la jeune femme rêvait toujours du prince charmant et de son vaillant destrier. Un homme prêt à surmonter les pires épreuves, à grimper au sommet des montagnes, à tuer de vilains dragons. Et tout ça, rien que pour ses beaux yeux. Ce n'est tout simplement pas fait pour moi. se répétait-elle chaque jour. En faisant cela, la jolie styliste faisait ce qu'elle savait le mieux faire : prétendre être quelqu'un d'autre. Elle se mentait à elle-même en s'efforçant de croire qu'elle n'était bonne qu'à prendre son pied dans diverses fêtes avant de regagner son appartement – quand celui n'avait pas été le dit lieu de débauche, seule. La vie de célibataire endurcie avait ses bons côtés. Mais parfois, Savannah ne pouvait s'empêcher de ne plus voir que les mauvais. Et dans ces rares moments où elle s'autorisait la réflexion, Naughty Lewis n'existait plus. Nue, dans son plus simple appareil, Savannah se montrait alors sous son vrai jour. Une femme vulnérable, sensible et facilement blessée par les aléas de la vie. Une faible. pensait-elle. Voilà qui résume bien. Comment pouvait-on avoir une estime si basse de soi-même ? Les raisons étaient multiples. Elle aurait sans doute fait le bonheur d'un psychanalyste. Et elle le ferait peut-être un jour ! Savannah sourit tristement et déposa sa tête contre l'épaule du bel Adam. Le jeune homme ne méritait pas de souffrir. Pas autant. Et elle ne pouvait s'empêcher de se sentir abominablement inutile. La jeune femme aurait souhaité pouvoir l'aider. Elle aurait aimé pouvoir, d'un coup de main précis, lui extirper ses sentiments, les laver avec beaucoup, beaucoup de savon, puis les remettre en place, neuf et beaux : prêts à être malmenés, une fois encore.

Après un – pas si habile – changement de sujet, Savannah descendit de la nacelle après avoir de nouveau enfourné ses bottines. Vous avez franchement de la chance d'être à tomber! leur concéda-t-elle en silence. Parce que c'était bien le seul bon point qu'elle était prête à leur accorder dans un éventuel article pour le Near You Magazine. Après tout, elles étaient vraiment à tomber : vous pouviez vous étaler à tout moment ! Le jeune homme eut la présence d'esprit de lui fournir son bras en guise d'appui. Une fois de plus, il se comportait en véritable gentleman. Savannah possédait de nombreux amis parmi la gente masculine – enfin, pas toujours de simples amis, mais le mot amis était bel et bien présent dans le titre donné à leur relation, et malgré tout, aucun d'eux n'auraient eu cette gentillesse sans rien attendre en retour. Et par récompense, ils voulaient bien souvent dire : finir enlacés sous les draps. Par pour de simples câlins, non... Mais la présence d'enfants se doit d'empêcher quelques paroles crues ! Et c'est peut-être mieux comme ça. C'est alors que Savannah réclama sa peluche géante. Après tout, on ne pouvait clamer se rendre à une fête foraine sans profiter de leurs peluches exagérément gigantesques ! C'était du moins son avis. "À condition que je ne sois pas obligé de le porter une fois gagné." Savannah ouvrit grand la bouche, amusée, et lui donna une légère tape sur l'épaule de sa main libre.

Finit-elle par abdiquer. Après tout, cette peluche avait au moins eu le mérite de les faire changer de sujet. Enfin... C'est ce qu'elle croyait ! "Si je te gagne la peluche, tu m'autorises à t'accompagner à la conférence ? Tu ne seras pas seule comme ça." ajouta-t-il comme condition. Le visage de la jeune femme se figea, un sourire pincé aux lèvres. Elle ne se rappelait pas avoir entendu parlé de cette clause dans le contrat oral qu'il avait conclu quelques minutes au par-avant. Mais comment dire non à une bouille pareille ? Comment ?

Accepta-t-elle de mauvaise grâce. Mais lorsqu'ils atteignirent l'attraction, Savannah se pencha vers lui, et un peu plus bas, le remercia pour tant d'attention.

Sur ce, elle l'observa dégommer les quatre premières cibles sans trembler. Avait-il seulement cligner des yeux ?" "Tu vois, je t'avais dis que j'étais le meilleur !" Pour ça, elle voyait bien. Effectivement ! Savannah l'encouragea en claquant chaleureusement des mains. "je pourrais l'avoir sans même […] regarder." Savannah s'apprêta à hurler de déception, mais quelque chose dans la voix d'Adam l'en empêcha. "j'ai peut-être perdu la main... Je … Et si on allait..loin ? J'veux dire, mh... Là-bas ?" Savannah ne comprenait pas un tel revirement dans son attitude. Inquiète, elle attrapa son bras avec délicatesse, comme si elle risquait de le casser. Adam, qui avait dû voir la question dans les yeux de la jeune femme avant même qu'elle n'ait eu le temps de la prononcer la devança et lui révéla la source de son malaise : la fameuse femme mariée était là. Savannah se tourna vers elle pour l'observer. Elle paraissait magnifique. Mais c'était difficile à dire de loin. Elle n'avait pas de style particulier... Et Naughty Lewis aurait sans doute réussie à trouver de quoi la critiquer. Mais Savannah, elle, ne voyait pas ce qui clochait chez elle... Mis à part l'alliance qu'Adam avait aperçue à son doigt et... l'enfant qu'elle tenait prêt d'elle ! Son enfant! "Tu sais quand tu parlais de faire taire cette connexion si je n'avais aucun doute possible ? C'est le moment. Elle est là..."

Prise de court, Savannah les regarda, tour à tour. Elle ne s'attendait pas à ça ! Et au vu de sa tête, Adam non plus. C'est alors que Savannah vit Esperanza s'avancer dans leur direction. Que ce soit pour le stand ou non, Savannah ne pouvait pas laisser son ami patauger dans la boue sans lui tendre une corde de secours.

Ce n'était pas une question. C'était un ordre. C'était décidé : elle allait le sortir de la moise dans laquelle il était fourré. Pfuuuuuuuit. Envolée la connexion! Savannah s'efforça de l'ignorer quand la jeune femme approcha. Mais bientôt, elle entendit un : "Bonsoir Adam." qui enclencha le processus. Mode extermination : ON. songea-t-elle en se mettant aussitôt en place. La jolie Lewis-Butler se rapprocha un peu plus prêt d'Adam et se tourna vers elle et son enfant.

Fit-elle simplement en la regardant volontairement de haut en bas et de bas en haut. Patiemment, elle attendit que le jeune homme concède à les présenter. Mais la petite fille fut plus rapide. Savannah, qui n'avait pas écouter son baratin d'enfant – en partie parce qu'elle avait peur des enfants, enfin, surtout de les aimer, et en partie parce qu'elle était concentrée sur sa mère, se sentit déboussolée lorsque la petite Crystal s'approcha d'elle et lui proposa de lui offrir son petit panda en peluche, tout juste gagné. Tiens, tiens, au moins, elle a le mérite de vouloir bien éduquer sa petite fille. Ça va être plus facile que prévu! Mais l'attention de l'enfant toucha Savannah qui ne put s'empêcher de lui sourire, émue.

Se reprenant, la jeune femme donna un léger coup de coude discret à Adam et passa son bras autour de son buste pour l'enlacer.

Elle ne regarda pas Adam pour ne pas perdre de sa crédibilité, mais elle pria pour qu'il la suive dans son plan. Cependant, la petite fille commençait déjà à la faire se sentir coupable ! Damn! Dans quoi s'embarquait-elle ?