Aujourd'hui, moi et Nora avions notre journée de congé en même temps. Chose rare étant donné qu'à chaque fois que nous pouvions enfin être ensemble, l'un ou l'autre était appelé pour rentrer d'urgence au boulot. Disons qu'avec nos métiers, il est bien difficile d'avoir de petits moments en amoureux. Seulement, même avec cette journée de couple, je n'étais pas dans mon assiette. Mon corps était présent, mais ma tête était ailleurs. Deux jours plus tôt, j'avais revu Kiara pour la deuxième fois, mon ex-copine qui étais désormais notre voisine d'à côté. Cela fait exactement plus de deux semaines que je n'ai pas révélé à Nora l'identité de cette femme. À vrai dire, révéler est un faible mot. Je lui mens sur toute la ligne.

Mon coeur se serra lorsque je revins auprès de cette belle grande blonde. Cornet de crème glacée à la main, je lui fis choisir la saveur qu'elle désirait. Voilà le problème. Depuis que j'ai avoué à Kiara que je désirais laisser Nora, je jouais l'homme le plus aimable sur terre. J'étais incapable de me détacher de ma copine. D'ailleurs, je faisais absolument tout pour qu'elle m'aime davantage. J'ignorais mon but ultime dans cette manigance non contrôlée. C'était comme-ci mon coeur ne voulait pas lui faire de mal, comme-ci il n'était pas prêt à se détacher de cette femme merveilleuse. Je savais que c'était pour le mieux, car il était impossible d'aimer deux personnes en même temps. Alors, je préférais être seule que d'imposer mes sautes d'humeur à Nora. Je suis confronté au pire problème de ma vie et je ne sais toujours pas comment mettre un terme à ma relation amoureuse. Je ne cesse de me dire que je vais finir par oublier Kiara une seconde fois, que je vais rester accroché à Nora... Mais mes sentiments ne font que brouiller ce souhait. Je sais que tôt ou tard, je finirai par faire une gaffe qui détruira ma petite amie.

J'esquissai un faux sourire à Nora avant de passer ma main dans ses cheveux, contemplant son visage avec regret. Elle était si pure, si innocente, si naïve d'être avec un homme comme moi. J'embrassai son front avant d'entamer ma crème glacée, fixant le paysage au loin pour décamper et reprendre mes esprits. « Alors... Qu'est-ce qui pourrait te faire plaisir aujourd'hui? Petite promenade au centre d'achat pour faire du lèche-vitrine? Allez au parc? » Je lui laissais l'embarras du choix. Je préférais qu'elle prenne la décision, encore une fois. Peut-être que je voulais son bonheur pour adoucir sa tristesse le moment venu? Je me donnai une gifle mentale, revenant à moi-même. Il fallait que j'arrête de m'écarter et de m'en faire autant. Aujourd'hui était peut-être la dernière journée en amoureux que nous allions passer ensemble...

J’avais une journée de congé. Maxence aussi. Entre lui et moi ces derniers temps, ce n’était plus comme avant. On était plus vraiment proche. Enfin, lui surtout. Il était à la fois cet homme distant mais aussi cet autre homme qui se pliait en quatre pour moi. Il faisait des choses qu’habituellement il n’aurait jamais faites. Ça devait certainement cacher quelque chose. Mais je préférais penser qu’il était stressé à cause de son boulot plutôt qu’autre chose. J’essayais de lui parler de temps en temps mais nos conversations n’aboutissaient pas vraiment à grand-chose. Néanmoins, j’avais plus ou moins retrouvé refuge dans le boulot. Comme j’avais toujours su le faire, depuis que j’étais diplômée. Dès que quelque chose n’allait, je faisais pour penser à autre chose. Peut-être que mon histoire avec Maxence ne rimait à rien, au final. Peut-être qu’on avait jamais eu d’avenir ensemble et que j’étais la seule à ne pas le remarquer.

Néanmoins, on avait décidé de passer cette journée en amoureux. Peut-être que ça changerait quelque chose. Ou peut-être pas. Il me tendit la glace que j’avais demandée. Une à la fraise, comme lorsque j’étais enfant. Comme quoi les goûts et les couleurs ne changent pas vraiment en prenant de l’âge. Je le regardais, tout en mangeant ma glace. Je ne savais pas vraiment comment son geste. Etait-ce de la pure gentillesse ? Ou voulait-il vraiment me faire plaisir ? Je n’en savais rien. J’avais beaux chercher, je ne trouvais pas la réponse à cette question. Ces derniers temps, il était tellement… différent. S’en était presque troublant. Beaucoup trop même. Mais que pouvais-je faire, s’il ne voulait pas me parler ? Rien. J’étais complètement impuissante, face à un destin qui m’échappait complètement. C’est alors qu’il me demanda ce que je souhaitais faire. Qu’est-ce que j’en savais moi, au final ? Je ne voulais juste que tout redevienne comme avant. Mais il n’y avait certainement rien à faire. Je lui dis alors :

« Pourquoi on irait pas faire un peu de shopping ? »

Je lui lançais un bref sourire. Un sourire parmi tant d’autre. Un sourire qui voulait à la fois, tout et rien dire. Un sourire qui lui montre que je ne lui en veux pas mais qu’il me manque. Cependant, je pense que ce serait beaucoup trop subtil pour lui. Je n’avais pas vraiment envie d’aller de shopping, je voulais juste passer du temps avec lui. Comme si rien n’avait changé entre nous. Intérieurement, je souffrais mais je ne voulais pas vraiment lui montrer. Je voulais qu’il s’en rende compte par lui-même. Ce qui n’était pas chose aisée. On sait tous que les hommes ne comprennent pas les sous-entendus, ni les choses subtils. Il fallait bien se faire une raison après tout. Continuant de manger ma glace, j’attendis une réponse de sa réponse. Peut-être que pendant notre séance shopping, je trouverais le moyen de le cuisiner un peu.

Je regardais tout autour de moi, évitant les prunelles de Nora. Son petit sourire, faible et innocent, me pinça le coeur. Il fallait à tout prix que je me ressaisisse. J'en avais marre de jouer les faux Roméo, de lui mentir à chaque seconde qui défilaient devant nos yeux, mais j'ignorais comment entamer ce genre de conversation. Je sais que tout au fond d'elle, elle souffre. Pour avoir été à ses côtés pendant plus de deux longues et merveilleuses années, je la connais assez pour dire qu'elle doit contenir ses émotions, qu'elle a peur pour nous et que des millions de questions soulèveront bons nombres de thèse pour en arriver à rien. Je goûtai à ma crème glacée, savourant la saveur de pistache et menthe exploser dans ma bouche, puis j'acquiesçai lorsqu'elle opta pour du shopping. Nous marchâmes, l'un à côté de l'autre, dans un silence ou seulement les gens autour de nous brisaient avec leurs pas, leurs rires, leurs voitures.

Habituellement, je tenais la main de Nora, fière de me pavaner avec cette magnifique créature à la tignasse blonde. Seulement, j'étais un brin mal à l'aise de faire ce simple geste. Je ne réussis pas à terminer mon cornet à la glace. Mon ventre se tordait dans tous les sens, me coupant l'envie de déguster cette friandise. J'inspirai profondément tout en jetant mon restant à la poubelle. « Je suis désolé... » Murmurais-je, le coeur gros. Je ne voulais pas tout lui lancé en pleine figure, comme ça, d'un coup. Je préférais y allez graduellement. Au moins la rassurer quelque peu sur mon humeur et sur mon comportement. Je me positionnai devant elle, petite sourire en coin pour tenter de d'étendre l'atmosphère. « Je sais que depuis un bout de temps, je suis pas facile à vivre. J'essais de compenser en te faisant plaisir, mais je sais qu'ici.. » Je posai mon doigt sur son coeur, contemplant son jolie petit minois. « Ce n'est pas assez pour adoucir ton mal et je m'en excuse. » Avouais-je, sincère. Je caressai son avant-bras, remontant à son visage pour flattait sa chevelure. « Je voudrais mettre tout ça de côté pour profiter de cette belle journée avec toi... Tu crois qu'on serais capable? » Demandais-je avec intérêt. Curieux de savoir si elle préférait discuter de tout ce «malaise» à la place de faire semblant toute la journée.

L’amour c’est quelque chose qui ne s’explique. Ça nous tombe dessus sans qu’on ait rien demandé. On rêve de tomber sur la personne parfaite. Celle qui nous fera vivre un rêve. Celle sur qui on peut compter quoi qu’il arrive. J’avais trouvé cette personne en Maxence mais ces derniers temps, tout était différent. Il était différent. Il était distant. Alors oui, j’attendais beaucoup de cette journée. J’appréhendais même de la passer seule à seule avec lui. Peut-être que j’aurais dû décaler mon jour de congé, juste pour ne pas être en face à face avec lui. Je soupirais quelque peu, préférant manger ma glace en silence. On ne parlait pas. L’atmosphère était bizarre. Très bizarre même. Il ne finit pas sa glace, ce qui était rare. Je fronçais les sourcils lorsqu’il enchaina sur un « j’suis désolé ». Je ne préférant rien répondre, finissant ma glace tandis qu’il se mit face à moi. Je le regardais me parler. Je l’écoutais. Il avait l’air sincère mais je ne savais pas vraiment si je pouvais le croire. Je répondis donc :

« Franchement ? Je sais pas… Ces derniers t’es complètement différent et, je pense pas que ce soit en mettant de côté les problèmes potentiels qu’on peut avoir, le temps d’une après-midi que cela va changer quoi que ce soit. » Je marquais une brève pause. Je ne savais pas si c’était le moment idéal pour avoir une conversation de ce type mais il fallait bien mettre les points sur les i, une bonne fois pour toute. J’ajoutais donc : « Et si tu commençais par me dire pourquoi t’es désolé ? »

Je le regardais. Je voulais qu’il m’explique le pourquoi du comment, il était comme ça ces derniers temps. Est-ce que c’était moi le problème ? Est-ce que c’était lui ? Est-ce qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre et qu’il n’osait pas me le dire ? Est-ce qu’il n’avait plus aucun sentiment ? Je chassais ces idées-là de la tête. Après tout, j’espérais que si c’était l’une des deux dernières solutions, qu’il m’en aurait parlé en face à face. J’espérais qu’il ait eu l’honnêteté de m’en parler. Parce que s’il ne l’avait pas fait, je le prendrais vraiment mal. Je pouvais comprendre que les sentiments pouvaient changer mais je ne supportais pas l’absence de franchise. La trahison. Je continuais de le regarder, attendant qu’il me réponde clairement et simplement ce qu’il avait ces derniers temps. J’étais capable de tout entendre. Et puis au fond de moi, je savais que si on avait pas cette conversation maintenant, on ne l’aurait jamais puisque nos horaires ne nous permettait pas de nous voir souvent.