Savannah Lewis-Butler n'était pas une grande fan des fêtes de Noël. En fait, elle les aurait sûrement appréciées si elle ne devait pas se rendre à la réunion familiale qui s'imposait chaque année pour cette occasion. Une période de célébration comme celle-ci ne signifiait généralement qu'une seule chose : elle allait devoir prétendre que sa vie était parfaite et que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sa famille allait la regarder de haut, ses parents allaient sans doute lui faire une critique sur sa vie de dépravée, son grand-frère allait sûrement lui rappeler qu'il avait fait des études de médecine – sans aucune méchanceté bien sûr – et Savannah allait ronger son frein en broyant du noir tout le repas. Autrement, elle ne détestait pas spécialement toutes les choses qui venaient avec Noël et la nouvelle année. C'était une occasion rêvée pour voir ses amis et passer de délicieux moments en leur compagnie. Il n'y avait rien de plus romantique que de partager un chocolat chaud, emmitouflée dans des draps traînés hors du lit, devant une cheminée crépitante. Mais Savannah n'avait pas de petit-ami. De plus, elle pouvait compter ses véritables amis sur le bout des doigts. Savannah était très entourée. Mais elle avait choisi de ne jamais leur montrer qui elle était vraiment. Et de par ce choix, Savannah s'était imposée à elle-même une forme de solitude qui lui pesait plus que d'habitude en cette période de fin d'année. Cet hiver, la jeune femme n'avait pas échappé à la règle et avait enchaîné les mauvaises nouvelles. Premièrement, elle s'était rendue compte qu'elle était entrain de tomber amoureuse de son meilleur ami – qui lui-même était déjà amoureux de la fille la plus aimable au monde. Cela avait le don de l'agacer : elle détestait l'idée de se montrer vulnérable. Savannah pensait avoir grandi : elle ne tombait plus amoureuse des hommes de sa vie qui lui étaient inaccessibles ! Plus depuis le lycée en tout cas. Et il y avait une bonne raison à cela : elle n'était plus jamais retombée amoureuse. Cela faisait trop mal. Et Savannah s'estimait être une déception suffisante à elle-même pour ne pas s'en imposer davantage ! Ensuite, la jeune femme avait découvert qu'elle n'était plus la seule Lewis-Butler a résider dans la grande pomme. En effet, sa sœur, Kiara, s'était vite avérée en être une autre résidente. D'après elle, Savannah était au courant. Elle l'aurait glissé dans un sujet de conversation à une de leurs énièmes réunions de famille. La styliste s'était mordue la langue plus d'une foix de ne pas l'avoir écouter à ce moment-là ! Comment était-elle censée faire croire à toute sa famille qu'elle était heureuse et satisfaite de sa vie de rêve si ces derniers venaient vivre à deux pas de son appartement ? Parce que visiblement emménager à New York n'était pas suffisant pour Kiara qui venait de trouver un appartement sur Manhattan. Elles allaient donc être voisines. Pas directement – fort heureusement! – mais voisines quand même ! Savannah n'était pas au bout de ses peines puisque, apparemment, Kiara n'était pas la seule à dorénavant vivre à New York : toute la fratrie les avaient suivies. Mais cela, elle l'ignorait encore. La réunion de famille qui approchait à grand pas promettait d'être intéressante!

Savannah avait reçu le programme de la ville de New York et avait bien entendu eu vent de ce qui se préparait sur Staten Island. Et comme ses parents avaient eu la bonne idée de leur laisser la soirée du vingt-quatre au soir, Savannah s'était décidée à aller y faire un tour. Elle trouvait cette idée merveilleuse. Ses rêves d'enfant s'étaient vus réanimés et la brunette s'était laissée piégée par l'atmosphère chaleureuse du marché de Noël. Mais qui disait « venir à l’événement de cette fin d'année », voulait aussi dire qu'elle se devait de trouver des cadeaux ! Après moult réflexions, Savannah avait consenti à en offrir un à Kiara – la seule qu'elle savait habiter New York. Elle s'était creusée les méninges et avait porté son choix sur un vieil appareil photo qu'un passionné lui avait conseillé. Apparemment, ce petit gadget permettrait à sa sœur de faire de magnifiques photos d'un ancien temps. Savannah avait donc donné au vieux monsieur les quelques 600 dollars qu'il lui avait réclamée et avait emballé l'appareil avec beaucoup de précautions. Elle l'avait placé dans un petit carton empli de papier-bulles et avait emballé le tout. Elle avait ajouté une étiquette portant le nom de sa sœur et le sien puis s'était déclarée grande vainqueur !

La jeune femme déposa le paquet destiné à sa petite sœur sous le sapin en compagnie de ses autres présents. Il y en avait un pour Hally, pour Jimmy – mais pas Hanna, et bien sûr, un pour Lilly et un pour Adam. Satisfaite de son placement, la jeune femme recula de quelques pas pour admirer son œuvre. Elle enfonça son bonnet un peu plus sur sa tête et replaça une mèche de ses cheveux qui était parsemée de neige. C'est alors qu'elle entra en collision avec une jeune femme. Savannah se retourna aussitôt pour se confondre en excuses. « Oh! Pardon, je suis vraiment désolée je... » Et là... You gotta be kidding me... The lord is testing me!

C'était un piètre mensonge ! Bien sûr que c'était Esperanza, elle s'en rappelait mieux que personne. Savannah repéra aussitôt la petite fille de la charmante – peut-être trop – jeune femme.

Demanda-t-elle à l'adorable petite fille. Je me demande si Adam l'a revue depuis le mariage... À vrai dire, elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir son meilleur ami. Ils avaient tous les deux été très occupés et Savannah s'était avérée très anxieuse de le revoir. Maintenant, elle le regrettait !

Mon beau sapin, roi des forêts, que j'aime ta... largeur. C'est en effet ce qu'aurait fredonné Savannah si elle s'était rendue compte que bientôt, elle serait assaillie par tous ses problèmes ! Non seulement son frère venait d'arriver au pied du sapin – et l'avait reconnue, semblait-il – mais voilà qu'en plus, Adam était arrivé sur l'île à son tour. Pour l'instant, Savannah devait d'abord affronter son premier démon : Esperanza. Cette belle et merveilleuse jeune femme se tenait là, juste devant elle. Et pour cause ! Savannah venait de lui rentrer dedans. Voilà ce qui arrive quand personne ne surveille vos arrières ! songea-t-elle aussitôt. La styliste avait parfois le sentiment d'être un personnage d'une comédie à son insu. Ce n'était pas un sentiment très agréable. Bien souvent, elle se disait : C'est pas possible ! Ce n'est pas entrain d'arriver ! Et lorsqu'elle réalisait qu'il ne servait à rien de se pincer, qu'elle n'était pas entrain de rêver, Savannah pensait alors qu'il n'y avait qu'à elle que cela arrivait. Il y avait encore quelques semaines, la jeune femme aurait été ravie de tomber sur la – bien trop – merveilleuse maman. Mais ce soir, ce n'était pas le cas. Pas du tout. Tout en sachant que son meilleur ami s'était épris de la parfaite Esperanza, Savannah s'était entichée de lui. Pour son plus grand chagrin... Car, s'il y avait bien une chose dont Savannah était certaine, c'était qu'elle ne pouvait pas rivaliser avec la bénévole ! La maman était généreuse, respirait la personnalité, elle semblait drôle et adorable, gentille et bonne vivante. Elle était aussi belle qu'intelligente. Non, vraiment... Savannah ne voulait même pas tenter de se comparer à elle. C'était perdu d'avance. Comme beaucoup de choses dans sa vie d'ailleurs... "Ce n'est rien ne t'en fais pas ! Et oui oui, c'est bien Esperanza..." On aurait pu penser que la jeune femme se moquait de Savannah. C'était comme si elle pouvait lire en elle et voir à quel point la jeune styliste était profondément stupide ! Mais même pas. Non, Esperanza était agréable. Pouquoi ? POURQUOI ? Savannah avait envie de hurler. Ce n'était pas possible ! New York était une ville immense ! Dans ce cas, pourquoi s'évertuait-elle à rencontrer les gens qu'elle cherchait à ignorer à tout prix ? Hein ? Pourquoi ? C'est alors que Crystal, la petite fille d'Esperanza, lui offrit l'issue de secours la plus proche. "Oui ! Et en plus t'as vu ma robe, j'ai une robe de mère noël ! Regarde comment elle tourne bien !"

La jeune femme se mit à rire lorsque la gamine tourna sur elle-même, joignant le geste à la parole. Même sa fille était adorable ! Savannah était persuadée que si un jour elle devenait maman – pauvre enfant !, sa progéniture lui en ferait voir de toutes les couleurs ! La jeune femme se concentra donc sur le petit bout de chou et... s'y cassa les dents. "Toi aussi tu as fait des cadeaux ? Avec maman on en a fait un pour Adam. Il est venu à la maison la dernière fois même qu'il a chassé le monstre qui était sous mon lit parce que je pouvais pas dormir." Le sourire de la jeune femme se figea sur son visage tandis que la petite fille parlait avec innocence. À cet instant précis, Savannah voulut se pincer pour quitter les bras de Morphée. Mais le froid qui lui fouettait le visage lui confirma qu'elle n'était pas entrain de faire un cauchemar.

Demanda-t-elle sans grande conviction, un sourire forcé planté sur ses lèvres. "Je... hum... Tu es peut-être venue avec quelqu'un et nous ne devrions pas trop t'importuner plus longtemps..." Savannah fit voyager son regard d'Esperanza à la petite, puis de la petite à Esperanza. C'est moi où il fait super froid d'un coup ? Peut-être que si elle priait très fort, le ciel entendrait ses prières et lui ferait tomber le gigantesque sapin dessus ? Histoire de l'achever une bonne fois pour toute ? Allez, secoue-toi un peu ! Il était trop tard pour faire marche-arrière de toute façon. Savannah ne savait pourtant pas comment réagir... Elle était contente pour Adam, qui devait sûrement avoir fait un premier pas vers Esperanza – s'il était aussi intelligent qu'elle le croyait en tout cas. Mais en même temps, son cœur lui faisait mal et Savannah avait l'impression d'être saoule. Elle avait la nausée. Pour se redonner une contenance, la styliste balaya la proposition d'Esperanza d'un non de la tête et s'agenouilla près de la plus si adorable petite fille :

Savannah se redressa après avoir caressé la joue de la gamine de son index. Et, en plantant son regard dans celui d'Esperanza, la jeune femme déclara :

Dieu que ces mots lui faisaient mal ! C'était comme arracher son propre cœur pour le tendre, encore battant, à Esperanza. Car il ne fallait pas se fier à son regard accusateur, Savannah ne faisait pas référence à elle-même. Elle parlait bien de la maman. La styliste n'avait rien d'une princesse... Si ce n'était quelques robes. Les larmes lui montaient aux yeux, mais la neige qui tombait sur son visage suffirait à cacher ses premiers pleurs. Savannah s'excusa, elle ne pouvait pas continuer à parler à Esperanza. Pas tant que les choses ne seraient pas claires entre eux. Car la jeune femme ignorait tout de cette fameuse soirée... Ils étaient peut-être déjà ensemble ! Et Savannah refusait de se ridiculiser davantage.

Quel cliché ! Savannah fit l'ébauche d'un sourire, croisa ses bras sur son manteau d'hiver et s'éloigna. Elle partit dans la direction opposée, avide de quitter le champ de vision d'Esperanza. Quelques larmes roulaient sur ses joues. Mais son maquillage Waterproof ne la trahissait pas. Une fois hors de portée, la jeune femme se concentra pour cesser de pleurer. Elle aurait tout le temps de le faire cette nuit, dans les draps de son lit !

Et c'est là qu'elle le vit : Adam. Alors là, c'est hors de question! Surtout qu'il était accompagnée d'une vieille femme. Elle aurait mis sa main à couper qu'il s'agissait de sa grand-mère. Il lui en avait parlée une ou deux fois et Savannah était d'autant plus surprise de la voir à New York. La jeune femme s'esquiva pour échapper au regard inquisiteur d'Adam. Il cherchait quelqu'un... Sans doute Esperanza. Mais elle ne voulait pas courir de risque ! BAM. Non, sérieusement, il fallait qu'elle arrête de foncer dans les gens ! Ça commençait à faire désordre. La jolie brunette leva les yeux, un peu étourdie par le choc – de cette bousculade ou de ses émotions, elle n'en savait encore rien. Et ce fut la troisième surprise de la soirée...

S'étonna-t-elle avant de venir l'embrasser sur la joue. Son grand-frère était à New York. Et puis quoi encore ? Quelqu'un va arriver avec une caméra cachée ? Non ? Savannah vint saluer sa petite sœur d'une bise sur chaque joue. Elle afficha un sourire sur son visage et demanda :

Mais tu es la dernière personne sur qui j'aurais aimé tomber ce soir ! Elle avait déjà suffisamment de mal à cacher sa pitoyable existence à sa famille sans pour autant devoir feindre une joie absente!

"Savannah attend..." C'est une mauvaise blague, c'est ça ? Savannah leva ses yeux humides au ciel et jeta un regard de défi aux dieux auxquels elle ne croyait pas, auxquels elle n'avait jamais cru et auxquels elle ne croirait jamais. C'est pas l'tout de se taper la honte de sa vie, mais en plus, on n'peut pas s'enfuir tranquillement ? Qu'avait-elle fait pour mériter tout cela ? En l'espace d'une fraction de secondes à peine, la styliste avait déjà trouvé de multiples raisons pour que son karma s'acharne ainsi sur sa personne. D'un revers de manche, Savannah essuya rapidement ses yeux mouillés et consentit enfin à s'arrêter pour faire face, une fois de plus, à Esperanza. La douce et charmante Esperanza. La très-clairement-meilleure-qu'elle Esperanza. La parfaite-en-tous-points-imaginables Esperanza. La Esperanza qui avait pris le cœur de son meilleur ami en otage il y avait de cela quelques mois et qui aujourd'hui... "Adam m'a parlé de votre rupture et je suis sincèrement désolée pour vous... Mais sache qu'il ne s'est rien passé entre nous..." Attends ! Quoi ? La party-girl stoppa net son auto-flagellation et décida de la remettre à plus tard. Ce qu'Esperanza lui disait était très intéressant... Alors comme ça, on a rompu ? eut-elle envie de demander à haute voix. Mais elle ne le fit pas. Au lieu de cela, elle regarda autour d'elle, comme pour s'assurer que personne ne les foudroyait du regard. Savannah avait la fâcheuse impression de se donner en spectacle... Et pas de la façon dont elle aimait le faire ! La jeune femme reporta son attention sur la jeune-et-bien-trop-belle-pour-être-honnête maman. Elle se doutait bien que leur histoire fictive allait bientôt se terminer. Après tout, c'était d'elle dont Adam était véritablement amoureux. Et la seule façon de mettre fin à ce mensonge puéril était de mentir encore davantage. Mais voilà... Savannah aurait aimé l'apprendre de la bouche du jeune homme. J'suis trop conne... Adam ne lui devait rien ! Ils n'étaient pas ensemble. Il n'avait rien à lui dire sur leur soit-disant relation amoureuse pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait jamais vraiment existé. Savannah se sentait soudain encore plus stupide et d'autant plus déprimée. "Et au mariage, il m'a dit de très belles choses sur toi... Vraiment... Tu comptes beaucoup pour lui... Okey, maintenant, ça c'est juste cruel !. Et Naughty Lewis suspectait Esperanza de l'avoir fait exprès. Son côté paranoïaque reprenait le dessus et Savannah se sentait attaquée quand la jolie bénévole ne cherchait qu'à la réconforter. Conne et pitoyable, tu les enchaînes ! reprit-elle en guise d'auto-flagellation. Et tant pis pour l'instant de répit qu'elle avait cherché à s'accorder ! Savannah s'apprêtait à interrompre Esperanza quand celle-ci reprit la parole. "Alors peut-être que ce n'est pas vraiment fini entre vous..." Stop.. Je t'en supplie. Stop ! avait-elle envie de lui crier. La jeune femme savait que tout était faux. Adam n'avait pas pu lui montrer le moindre intérêt pour la simple raison qu'il était amoureux d'une autre : d'Esperanza, justement. Tout était faux. Il ne tenait pas vraiment à elle, si ce n'est comme une très bonne amie. Il n'y avait rien à réparer, ils n'étaient et n'avaient jamais été ensemble. Et Savannah en était bien consciente... En fait, elle se détestait d'éprouver une telle rancune. Voilà ce qui arrive quand tu dérapes Naughty Lewis... Chaque fois qu'elle entrouvrait son cœur, en particulier à un homme, Savannah s'en était mordu les doigts. Et cette fois encore, elle regrettait d'être tombée sous le charme d'Adam. "Je ne sais pas ce qu'il s'est passé et ça ne me regarde pas... Mais si tu as toujours des sentiments pour lui, tu devrais foncer..." Savannah releva le regard qu'elle avait baissé vers le sol. Elle fixa Esperanza d'un air surpris. Tu t'fous d'ma gueule, ou ça se passe comment ? Mais après l'avoir bien observée, Savannah réalisa que la brunette était sincère. " Il y a peut-être encore un espoir après tout..." Tu crois ? Et voilà. Il n 'en avait pas fallu beaucoup plus pour que la naïve Savannah ne tombe dans le panneau ! La maman avait choisi le mot parfait : « espoir ». Et ainsi, elle l'avait fait renaître dans le cœur de la jeune styliste. Son cerveau lui criait « Non ! », mais son cœur lui répétait « Peut-être... ». Esperanza haussa les épaules devant une Savannah ahurie et s'en alla retrouver sa petite fille au pied du sapin.

Et c'est rongée par la tristesse et par la promesse d'un espoir que Savannah avait heurté son grand-frère de plein fouet. Le destin n'en finissait-il pas de la mettre sur le chemin des problèmes ? Y avait-il une douce et chaleureuse Oasis, ou encore un merveilleux havre de paix à la fin de ce sentier périlleux ? « Tu es venu voir Kiara pour Noël, c'est ça ? C'est génial ! » avait-elle alors demandé, pleine d'espoir. "Il ne savait pas que j'habitais ici... On est tous étonné là... Mais... Ça veut dire... ?" Non... Non... Dites-moi que je rêve, que je vais me réveiller dans mon lit bien douillet et que tout ceci n'est qu'un cauchemar que j'oublierai volontiers une fois réveillée ! "Attend... Tu vis aussi à New-York ? Oh mais c'est juste trop bien !! On va pouvoir se voir plus souvent !" Okey Père Noël, tu crains vraiment cette année ! Savannah étira encore plus le sourire hypocrite qu'elle arborait déjà et répéta les mots de sa sœur de la façon la plus vraisemblable possible :

Bah oui ! Génial, on peut aussi faire une ronde et se tenir les mains en chantant l'arrivée de Santa pendant qu'on y est ! D'accord... Savannah était un peu ronchon. Mais comment pouvait-elle réagir autrement ? Sa vie était un véritable désastre. Un bordel ambulant ! La guerre y avait été déclarée des années auparavant et maintenant... elle allait devoir prétendre qu'elle était parfaite. Bien sûr, cela ne changeait pas grand chose : elle avait prétendu vivre une vie merveilleuse auprès de sa famille depuis plusieurs années déjà. Mais alors, ils ne vivaient pas encore à deux pas de sa porte ! Leur proximité allait rendre les choses encore plus compliquées.

Savannah n'avait pas pu s'en empêcher. Elle avait déjà oublié que Kiara lui avait confié son emménagement à New York, alors en faire de même avec Zéphir, son grand-frère un peu trop parfait – lui aussi... – allait sans doute lui donner la nausée. Ou en tout cas l'accentuer. Parce que Savannah avait dors-et-déjà l'impression qu'elle pouvait rendre ses tripes à tout moment.

Peut-être que non ? Peut-être qu'il n'en trouvera pas et qu'il sera obligé de changer de grande ville ? San Francisco c'est pas mal aussi... Non?

Mais si, tu sais, les seuls jours où je suis forcée de passer plusieurs heures avec vous non-stop?! Savannah sourit, un peu intimidée. Car finalement... Elle était surtout mal-à-l'aise au contact des membres de sa famille. C'était comme si leur présence lui rappelait quelle ratée elle était ! Kiara vivait de sa véritable passion et son grand-frère avait fait des études de médecine – aux dernières nouvelles en tout cas. Elle ? Elle était devenue styliste par dépit. Une styliste très connue dans le monde de la mode et très sollicitée, certes, mais par dépit quand même ! Ce serait le bon moment pour un moment à la Freaky Friday !

Savannah avait beau tout faire pour concentrer son attention sur son frère et sa sœur, son regard était encore et toujours attiré par la silhouette masculine d'Adam. Près de lui se tenait la jeune et jolie maman, sa fille et... une personne d'un âge avancé. La jeune styliste fit tant et si bien fonctionner ses méninges qu'elle en vint à la conclusion que, puisqu'elle était apparemment venue avec Adam, cette personne devait être un membre de sa famille. Sa grand-mère... La jeune femme avait passé suffisamment de temps avec le jeune vétérinaire pour savoir qu'il tenait à ce bout de femme comme à la prunelle de ses propres yeux. Savannah ne put s'empêcher de sourire, un peu amère. Il la présente à l'Esperanza... Dans son esprit, le prénom de la bénévole qui avait ravi le cœur de son meilleur ami avait résonné comme une insulte. Mais très vite, Savannah se surprit à se donner une petite tape mentale sur les mains : la jeune et-jolie-un-peu-trop-parfaite Esperanza ne lui avait rien fait, elle. Celle qui était à blâmer ici, c'était elle ! Savannah était responsable du pétrin dans lequel Adam et la jeune femme avaient été propulsés. Et elle savait qu'un jour ou l'autre, elle devrait payer les pots cassés. C'est ça, souris ! De toute façon, il se lassera de toi ! Les filles trop parfaites, c'est ennuyeux à mourir ! D'accord... c'était sa mauvaise foi qui parlait. Ou plutôt, qui pensait. La jeune femme se secoua discrètement, espérant faire passer ce mouvement brusque pour un coup de froid, et reporta son attention sur Zéphir. Et si elle disait vrai ? Et si j'avais ma chance ? Peine perdue, la jeune styliste ne parvenait pas à se sortir Adam de la tête. Sors de ma tête ! Elle n'avait aucune chance, et que cette bénévole-à-la-gomme se permette de lui faire croire le contraire était carrément cruel !

Savannah se réveilla avec la venue du petit jour. Sa bouche était pâteuse d'avoir trop bu la veille et ses cheveux ne formaient plus qu'un sac de nœuds volumineux. La jeune femme cligna des yeux, qu'elle n'avait pas pris le temps de démaquiller, et se cacha du soleil à l'aide de son oreiller. Ou plutôt, d'un oreiller. Parce que cette taie d'oreiller ne sentait pas la lessive qu'utilisait Mme Lewis-Butler. En fait, elle n'était pas chez elle. Mais comme cela n'avait rien d'étonnant pour la jeune fille de 17 ans qu'elle était, Savannah ne s'était pas tout de suite décidée à relever la tête. Savoir où elle était pouvait attendre. Pour l'instant, elle ne souhaitait qu'une seule et unique chose : faire passer ce mal de crâne qui lui écrasait le cerveau comme le ferait un casse-noisette avec un de ces fruits secs. Lorsqu'elle se rendit à l'évidence, et comprit ainsi que ses maux de tête ne disparaîtraient pas sans l'aide d'un cachet, Savannah consentit enfin à émerger de sa tanière de coton. Elle se redressa dans le lit king size et se prit la tête dans les mains. Plus jamais ! se promit-elle. Décidément, la Tequila et elle ne faisaient pas bon ménage. Mais chaque fois qu'elle se promettait d'arrêter, Savannah recommençait. Manque de personnalité, de volonté ou de bon sens... peut-être les trois à la fois. La jeune femme commençait à retrouver des bribes de souvenirs de cette dernière nuit et se tourna vers son partenaire pour vérifier qu'elle n'était pas dans le faux. Non ?! C'est pas vrai ! Par instinct, Savannah attrapa les draps et se couvrit la poitrine. C'était ironique, quand on réfléchissait à la nuit qu'elle avait passé en la compagnie du jeune homme. C'était lui... C'était... un des plus beaux partis de son lycée et... le garçon dont elle était amoureuse. Lorsqu'elle réalisa, tous ses espoirs éclatèrent en milliers de petits morceaux. Maintenant qu'ils avaient couché ensemble, il ne pourrait jamais tomber amoureux d'elle. Il penserait comme tous les autres : elle n'était qu'une fille populaire sans respect de sa propre personne, une de ces garces insensibles qui couchaient avec les mecs populaires du bahut comme elles enchaînaient les régimes dans le simple but de donner un sens à leur pitoyable existence. Son dégoût personnel se mit à lui comprimer la cage thoracique et très vite, Savannah avait éprouvé des difficultés à respirer.

Savannah cligna des yeux. Un faux – Non mais sans blague ! – père noël se tenait devant elle et la regardait droit dans les yeux. Je suis flippant, bonjour ! Ne pensait-il pas qu'elle avait passé l'âge de s'émerveiller devant un grand barbus à la fausse bedaine imposante ? Et comme il ne semblait pas décidé à bouger, Savannah le fixa droit dans les yeux. Hey... attends... j'te connais toi ! Mais elle devait avouer que cet accoutrement ne l'aidait pas à faire le point.

Demanda-t-elle dans l'espoir qu'il lui réponde, et qu'elle reconnaisse sa voix. Soudainement, elle ne s'inquiétait plus de passer pour une folle qui parlait au premier imposteur du Père-Noël venu. Tout moyen était bon pour échapper au regard de sa famille !