Normalement quand j’ai une humeur similaire à celle que j’ai en ce moment, je pars seul en randonné quelques jours. Loin de cette grande ville qui ne dort jamais, loin de mon quotidien, loin de tous mes problèmes, c’est ma façon à moi de m’évader et de décompresser. Malheureusement, ces jours-ci je n’ai pas le temps de prendre du temps pour moi, j’ai beaucoup de responsabilité et mon emploi du temps est trop chargé. Peut-être devrais-je avoir une assistante ? Encore faudrait-il que j’aie le temps de l’engager et comme le temps c’est de l’argent, l’investissement n’en vaut pas la peine en ce moment. Ma vie sociable se résume aux visites inattendues de JJ dans mon appartement et un souper avec mon meilleur pote une fois de temps en temps. Si autrefois le moindre temps libre je l’utilisais pour sortir avec des amis, maintenant c’est tout à fait le contraire, je le prends pour rattraper cette fatigue que je n’arrive pas à vaincre. Je ne sais pas exactement comment décrire ce que je ressens en ce moment, je ne le comprends pas trop moi-même. Une semaine était passée avec cette rencontre avec Louna, une fille que j’avais rencontré à cause d’un sms envoyé à la mauvaise personne. La soirée c’était fini sous une note plutôt dramatique, j’avais vu son intérêt face à moi et j’avais voulu le détruire sur le coup. Elle avait l’air trop bien, trop blessé par les hommes pour l’être par moi en plus. J’avais finis par lui balancer plein de trucs pour la faire lâcher prise, mes paroles ont parfaitement fonctionnées. Elle est partie les jambes à son cou, puis plus de nouvelles, plus de sms comme tous les milliers qu’on s’était échangé. Certes, ce n’était pas un secret pour personne, ni pour moi, que le célibat convenait parfaitement à mon genre d’homme. Par contre, je n’avais jamais réalisé à quel point c’était vrai. Tous ces mots que j’ai dit pour la faire fuir, plein de défauts que je n’avais pas réalisé, du moins pas assez.  Depuis cette soirée, j’ai une baisse d’énergie. Je me remets en question. Qui suis-je réellement ? Si Spencer avait déjà presque réussi à me convaincre que j’étais un type bien que c’était une peur que je me faisais d’être en couple, maintenant je savais qu’il avait tord. J’agissais comme un connard. Un sans cœur. Et dans quel seul but ? Du sexe. J’avais toujours cru que ce mode de vie n’était pas si mal, qu’il était tout à fait normal, que malgré tout je devais être une bonne personne. En réalité, j’étais toujours aussi pitoyable que ce Ryan que j’étais il y a cinq ans qui sortait presque tous les soirs. Si avant je me défoulais dans les filles et dans l’alcool, maintenant je le faisais dans le boulot tout simplement. Au final, j’étais toujours ce gars pitoyable et insouciant, sauf que j’avais réussi à me le cacher jusqu’à ce que je le dise de vive voix à Louna.

Bref à défaut de m’exiler dans les bois, j’ai décidé de prendre quelques heures pour moi dans Central Park. Au milieu de celui-ci, j’oubliais presque que la ville était existante autour de nous. J’étais assis sur un banc, l’air songeur en face de ce lac glacé par le froid de l’hiver. Il y avait des milliers d’activités à faire à Central Park et pourtant moi je me contentais de ce petit banc. J’avais envie de me changer les idées, mais je n’avais pas la force d’agir et au bout du compte j’étais envahi de toutes ces pensées négatives, de quoi me clouer davantage à ce banc. Des cris d’enfants se firent entendre et mes yeux se posèrent sur la bataille de neige, un mince sourire apparu sur mon visage. J’aimerais tellement revenir en arrière et retrouver ce cœur d’enfant, retrouver cette innocence que j’avais perdu en grandissant. Cette époque où le plus grand soucis de la saison était de faire un fort de neige plus gros que celui de son voisin. Bang. Une boule de neige arriva en plein dans ma figure ce qui me fit sursauter parce que je ne regardais pas le lanceur. Le petit gamin riait aux éclats, mais sa mère me regardait d’un air inquiet. Avait-elle peur que je crie après son gamin ? C’était un enfant, il avait bien le droit de s’amuser après tout. Toutefois, je n’allais pas dire mon dernier mot. Le sourire aux lèvres, je pris une poignée de neige que je formai en boule, puis je la lançai non loin des gamins à mon tour. J’avais totalement loupé mon coup. Les enfants me regardèrent étonnés et prirent alors mon geste pour le début d’une guerre. Les deux se mirent contre moi, j’étais leur cible numéro un. Je me levai alors de mon banc pour aller derrière celui-ci, l’utilisant comme bouclier à leur missile blanc. Puis à mon tour, je lançais des balles de neige. Je faisais exprès de les manquer, le but n’était pas de gagner, mais bien d’amuser les enfants. La mère semblait amusée de me voir participer au jeu et ne dit rien. Les garnements arrivèrent finalement près de moi, l’un qui rampa sous le banc et l’autre qui me sauta sur le dos.

-Oh non je suis pris au piège ! Comment avez-vous fait pour me trouver ?

Les garçons s’exclamèrent de rire et moi aussi, ça me faisait du bien de jouer avec eux. C’était exactement de ce genre de choses que j’avais besoin en ce moment. Pendant un moment j’oubliais que j’étais un adulte avec plein de responsabilités et je retrouvais cette innocence d’enfant. J’arrivai à me dégager des deux gamins et je partis à la course, qui ressemblait davantage à un jogging pour ne pas être trop rapide pour les enfants. Je regardai derrière pour voir leur réaction et c’est là que j’arrivai de plein nez dans une personne et je tombai aussitôt sur les fesses. Surpris de l’évènement, je ne vis que ces cheveux longs pour constater que c’était une femme.

-Je suis profondément désolé madame !

Oh merde, j’espérais tout simplement ne pas avoir fâché la personne, ni ne l’avoir blessé. Puis la femme releva son visage vers moi. C’était un visage que je reconnaissais trop bien, mon visage s’illumina aussitôt.

-Kara !

Cela faisait des lunes que je ne l’avais pas vu et pourtant ça n’aurait jamais dû être le cas. J’appréciais beaucoup trop cette jeune femme, elle était pour moi la sœur que je n’avais jamais eue. Elle était une bouffée de fraicheur dans ma vie, une confidente, elle était parfaite pour me changer les idées en ce moment, mais peut-être était-elle trop occupée ?

Je ne savais pas combien de temps avait passé entre nous deux depuis la dernière fois que nous nous étions vu, mais tout cela me semblait être une éternité. Toutefois, elle ne semblait point avoir changé, elle était toujours aussi jolie, toujours aussi étincelante de joie. J’avais un sourire jusqu’aux oreilles, je vins pour me lever mais aussitôt le petit gamin s’avança vers nous en parlant à son capitaine –moi- pour l’avertir qu’une femme était à la mer. Je m’esclaffai de rire et c’est avant même que je ne prenne la parole que Kara continua l’histoire du gamin en proclamant être une sirène. Le petit garçon ne semblait pas certain de ce qu’elle avançait et je crus bon d’épauler Kara dans son délire.

-Tu devrais faire attention petit, elle m’a pétrifié par terre avec sa beauté ! J’espère que tu n’avais quand même pas cru que j’avais tout simplement bêtement tombé !

Le gamin semblait désormais tout à fait convaincu de l’identité de Kara si bien qu’il prit ses jambes à son cou pour annoncer ses trouvailles à ses amis. Je les regardais partir à l’opposé du parc, j’aurai bien rigolé pendant quelques instants. Est-ce que c’était ça d’avoir des enfants ? Est-ce qu’on retrouvait notre cœur d’enfant à chaque jour grâce à eux ? De toute manière, je ne le saurais jamais. En tant que célibataire endurci j’étais loin d’avoir emprunté ce chemin où la première étape était de fonder une famille. Comme si elle lisait mes pensées, Kara ne cacha pas sa surprise de me voir agir comme un papa poule avec les enfants. Pensait-elle réellement que moi, Ryan Williams le coureur de jupon, pouvait être père ? Il était vrai que j’avais une facilité remarquable avec eux. Il fallait croire que j’avais un air drôle puisque les enfants étaient souvent attirés vers moi. J’embarquais très rapidement dans leur monde imaginaire, ça m’amusait autant qu’eux en réalité. J’aurais probablement fait un bon père ou un bon oncle, du moins si j’en avais eu l’occasion. En tant qu’enfant unique il n’y avait aucune chance que je devienne un oncle gâteau qui profite du poupon de son frère ou de sa sœur à défaut de ne pas en faire un soi-même. Il y avait bien ma cousine qui avait un enfant, mais n’ayant plus de nouvelles d’elles depuis des années j’avais longtemps abandonné cette idée.

-Oh tu sais…

Je formai une boule de neige dans ma main tout en me levant.

-Un enfant ne peut pas avoir d’enfant !

Puis je lançai le projectile sur elle pour rigoler. J’avais bien envie de m’amuser et sa façon de s’être si facilement prêter aux jeux des enfants avait fait grandir mon désir de continuer ses petits jeux hivernaux. Je reculai de quelques pas par crainte qu’elle ne se venge plus rapidement que je ne l’imaginais.

-Non, mais sérieusement ce n’était pas mes enfants, simplement des gosses qui s’amusaient et j’ai embarqué dans leur jeu. De toute façon tu me connais, si j’ai un enfant sur terre je me souviens probablement plus de la mère !

Aussi pathétique qu’était mes paroles, elles ne pouvaient être que plus vraies. C’était d’ailleurs ma plus grande phobie que ce genre de situation arrive un jour, que j’aie mis une femme enceinte parce qu’un soir j’avais oublié de me protéger. Si un jour le sort tombait sur moi que je devienne père, j’espérais au moins que ce serait avec une femme que j’aimerais au moins au point de vouloir former un couple pour le bonheur de l’enfant. Ayant vécu la majeure partie de ma vie avec qu’un seul parent, je pouvais comprendre parfaitement ce que c’était de vivre ce vide quand il manquait un parent à notre éducation. Mon père n’avait jamais voulu reposer ses yeux sur une nouvelle femme depuis la mort de sa mère, je n’avais jamais donc eu de figure maternelle depuis mes 5 ans.

-Ça fait vraiment longtemps, hein ? Trop longtemps ! Qu’est-ce que tu deviens après tout ce temps ? Tu venais prendre une simple marche, ou tu traversais le parc pour aller de l’autre côté de la ville ? Si tu veux je peux t’accompagner histoire de rattraper un peu tout ce temps perdu.

Je la regardai avec un sourire et par la même occasion je me trouvai absolument bête. Pourquoi je me tuais toujours à m’isoler quand j’avais le moral à terre alors que dès que je rencontrais quelqu’un je chassais vite mes idées noires. Tout cela serait plus logique de m’encercler de bons amis dans de pareilles situations et pourtant c’était bien la dernière chose que je faisais.