Encore une soirée à travailler dans ce fichu bar, un taudis. Non, pas si taudis que ça, c'est vrai qu'il est loin d'être crade, même si niveau déco ça pourrait être un peu plus reluisant. Rory en a marre de ce travail, quoiqu'être barman ce n’est pas si terrible que cela, c'est surtout les extras qu'on lui impose qui l'ennuie le plus. Il sait qu'à faire ça, il se met en danger. Mais comment dire non à celui qui lui a permis de se sortir de la rue ? Alors il s'est laissé faire quand son patron lui a imposé de satisfaire certains clients d'une manière bien différente et beaucoup plus dégradante. Rory a besoin de son emploi pour vivre, alors il se tait et joue les prostitués en plus d'être barman, certains soirs. Ca le répugne de devoir faire ça, il se dégoute lui-même d'en être arrivé jusque-là pour pouvoir survivre, mais à sa décharge, ses parents ne lui ont pas vraiment laissé le choix en le mettant à la porte de chez eux alors qu'il n'avait que seize ans.

Le jeune homme est debout derrière son bar à nettoyer des verres quand il entend les gloussements de ses deux collègues féminines et il ne peut s'empêcher de rouler des yeux à cela. Leur réaction à chaque fois qu'un bel homme entre le fait doucement rire et même s'il les apprécie, il ne peut s'empêcher de trouver ce comportement parfaitement puéril. « Hey Rory regarde, c'est le bouclé mignon qu'est là tout les soirs et qui ne parle jamais. » Le châtain lève les yeux de son verre pour le diriger vers l'entrée et tomber sur les yeux verts dirigés sur lui. Maintenant, il comprend mieux la réaction de ses collègues, parce qu'il faut bien avoué que ce jeune homme est plus que plaisant à regarder. Ça fait à peu près un an maintenant qu'il vient là pratiquement tous les soirs, qu'il s'assoit exactement toujours à la même place et qu'il ne fait que consommer de l'alcool, jamais rien de plus. Rory est d'ailleurs le premier à l'avoir servi. Ce jeune homme est vraiment très mystérieux, il dénote dans le décor du bar, d'autant qu'il semble d'un niveau social bien supérieur aux clients habituels et il intrigue tout le monde, et surtout Rory, qui essaie d'imaginer sa vie, la raison de sa présence dans ce bar et pourquoi il ne demande jamais plus, ni pourquoi il ne parle pas ? Ça lui permet de s'évader psychologiquement de ce quotidien difficile. « Vas-y Tris, je te le laisse, je vois que tu meurs d'envie de le servir. » Le barman adresse un clin d'oeil à sa collègue et retourne vaquer à ses occupations, c'est-à-dire terminer de nettoyer ses verres.

Étrangement, et bien que ce soit lui qui a permis à sa collègue d'aller servir le charmant bouclé, Rory ne peut se retenir de lever les yeux vers la serveuse et le client mystérieux toutes les deux secondes, éprouvant une pointe de jalousie. Ce n'est pas de la jalousie par rapport à des sentiments, quoique, finalement après une année, le barman s'est attaché à ce client dont il est celui qui le sert le plus souvent. Généralement, s'il n'est pas déjà occupé par le service d'un autre client, il est celui qui se charge de servir le bouclé, c'est devenu une sorte de rituel qui s'est installé au fur et à mesure des semaines. Pour une fois qu'il déroge à la règle en laissant sa collègue servir le jeune homme à sa place, Rory prend conscience à quel point finalement ce rituel est devenu important pour lui. Il lève les yeux au ciel en pensant pour lui-même qu'il est bien pathétique d'en être arrivé là. « Je lui sers le prochain. » Quand Tris revient derrière le bar pour préparer la commande, le châtain s'empresse de la prévenir. Hors de question de ne pas s'occuper de lui, il a laissé sa place une fois et il sent que ça ne va pas. C'est parfaitement con de ressentir ce besoin de servir un client, mais le bouclé est un client particulier, plus que régulier. Rory est habitué et sa vie est faite de routine, enfin presque, et ce client du bar est devenu un repère pour lui dans son quotidien. « Qu'est-ce qui vous ferez plaisir ? » Quand le bouclé a fait signe pour pouvoir à priori commander un nouveau verre, le jeune homme s'est empressé d'y aller avant que l'un de ses collègues lui grille la place. Debout devant lui, les yeux de Rory viennent se figer dans le regard émeraude du client, il n'arrive pas à s'en détacher alors qu'il attend la commande du jeune homme.
   

En s'avançant vers le jeune homme, Rory croit apercevoir l'esquisse d'un sourire, mais il n'est pas certain et finit par se dire qu'il a sans doute rêvé. Il ne l'a jamais vu sourire et pourtant le châtain est persuadé qu'i doit avoir un sourire à tomber. Une fois arrivé à son niveau, le barman ne peut s'empêcher de garder son regard planté dans les iris verts du bouclé. « Qu'est-ce qui vous ferez plaisir ? »  Il continue de l'observer sans ciller, attendant sa réponse qui ne vient pas. Rory se mord la lèvre et arque un sourcil en voyant son client se passer la langue sur les lèvres. Il se demande ce qui peut bien lui traverser l'esprit à ce moment précis, d'autant qu'il ne lui a toujours pas répondu. Ne voulant pas se montrer impatient, peut-être juste parce que c'est lui, sinon il aurait déjà probablement fait remarqué à l'autre qu'il attendait, Rory se contente d'attendre tout en ne le lâchant pas des yeux, tout simplement, parce qu'il en est parfaitement incapable, il est comme hypnotisé par le regard émeraude du bouclé. Si bien qu'il a bien failli ne pas remarquer qu'enfin ce dernier s'est décidé à parler. Le châtain ressent une légère pointe de déception. Toute cette attente, ces longues secondes à se regarder pour ça ? C'est vrai que le jeune homme n'a jamais décroché un mot de plus que ce dont il a besoin pour passer ses commandes, mais l'espace d'un instant, le barman s'est pris à espérer que pour une fois ce serait différent. Pourquoi ? Il n'en sait rien. Juste que la façon dont ils se sont regardés, l'intensité dans son regard, il a eu l'impression que ce soir aurait pu être différent.

Rory fait demi tour et tente comme il peut de cacher sa déception en se dirigeant vers le bar pour aller préparer le verre de whisky de son client. Il est stoppé net dans son élan quand, contre toute attente, la voix grave du bouclé se fait à nouveau entendre. Le châtain ne peut réprimer le sourire qui étire ses fines lèvres. Il prend une profonde inspiration avant de se retourner. Mais juste au moment où il se retourne et s'apprête à lui donner son prénom, une autre phrase sort de la bouche du jeune homme. Et là, le barman se prend comme une énorme claque et écarquille les yeux en le regardant, se demandant s'il se fout de lui ou pas. D'ailleurs, Rory est partagé entre déception et excitation. D'un côté il est déçu, parce qu'il ne s'imaginait plus que le jeune homme puisse un jour avoir recours à cela, au fond, il ne se l'est jamais vraiment imaginé, car il dégage tellement de charisme, qu'il s'est toujours dit qu'il ne devait pas avoir trop de problèmes pour se trouver quelqu'un, sans avoir à le payer. Partagé avec l'excitation, car il doit bien admettre qu'il a espéré plus d'une fois que cela se produise. Oui, Rory a un faible pour ce client et il a longtemps rêvé de pouvoir avoir la possibilité de lui parler plus que pour prendre seulement sa commande. Finalement, la petite partie déçue en lui s'estompe en apercevant la gêne et la nervosité sur le visage du brun. C'est la première fois que le jeune homme montre une quelconque émotion, et cela touche et attendrit Rory.

Appréciant ce sourire qu'il a tant imaginé et qui est exactement comme il le pensait, les fossettes en plus et qui le rendent encore plus craquant, le châtain rend son sourire au bouclé, voulant se montrer rassurant. « Je m'appelle Rory. » Il élargit encore un peu plus son sourire, voulant vraiment mettre à l'aise le jeune homme, qui, il remarque pour la première fois, est vraiment très grand par rapport à lui, à tel point qu'il est obligé de lever un peu le visage pour lui parler et le regarder en face. Il n'avait pas réalisé à quel point il est plus grand que lui, l'ayant majoritairement vu assis, ou debout de loin, même s'il se doutait bien qu'il était plus grand, juste pas autant. Le bouclé doit bien avoir une bonne tête de plus que lui et étrangement, il trouve que cela à un côté rassurant. « Je suppose que vous ne voulez pas vraiment ce deuxième verre alors ? » Question plus rhétorique qu'autre chose, ou tout du moins, le fait qu'il se soit mis debout le lui laisse penser. « Attendez-moi là, je vais prévenir... que je dois y aller. » Il ne sait pas trop quels mots utiliser ne voulant pas le mettre mal à l'aise en parlant de client, vu la manière très gênée dont il a avoué ne pas savoir comment ça se passe. Rory s'éclipse rapidement, laissant le beau bouclé seul dans la salle. Clairement, la déception ressentie sur le moment à la demande du jeune homme a complètement disparu, ne reste que le sourire collé sur son visage, qui lui vaut des regards interrogateurs de ses collègues, qui à défaut d'avoir peut-être entendu la conversation, ont bien vu la scène. Quoiqu'au regard noir de Tris, le châtain comprend qu'elle sait déjà ce qu'il se passe et il se contente de hausser les épaules et d'afficher un sourire béat. Sourire qu'il se force à faire disparaître avant d'entrer à l'arrière du bar et dans le bureau de son patron après avoir frappé à la porte. « J'ai un client. » Son boss relève seulement à ce moment-là la tête vers lui. « C'est un de tes réguliers ? » Rory secoue la tête. « Non, c'est le jeune homme qui est là tous les soirs depuis un an et qui n'avait jamais rien demandé. » L'homme esquisse un sourire satisfait, car clairement ça se voit qu'il a de l'argent. Ça ne plait pas au châtain d'avoir dû préciser qui est son client, et encore moins le sourire carnassier de son patron. Ce dernier lui fait comprendre qu'il doit tenter de passer le plus de temps avec le client, ce qui pour une fois n'est pas pour déplaire à Rory, qui affiche de nouveau son sourire, à peine sorti du bureau et retourne auprès du bouclé. « C'est bon, on peut y aller, j'espère que je n'ai pas été trop long. » Il passe devant le brun et sort du bar, bien plus nerveux qu'il ne le laisse paraitre. « C'est à vous de décider où vous voulez aller. » Il est toujours nerveux quand il doit aller avec un client, mais cette fois, c'est différent, ce n'est pas la même appréhension et puis, ça lui fait bizarre de devoir expliquer les choses au bouclé, généralement ce sont les clients qui ont l'avantage sur lui, pas l'inverse. Rory se mord la lèvre, il meurt d'envie de savoir aussi le prénom du brun, mais n'ose pas le lui demander, se disant qu'il n'a pas le droit de se permettre ça, ce n'est pas sa place, alors il se tait et se contente de le suivre.
   

C'est tellement inattendu que Rory bien qu'affichant un sourire qu'il ne peut réprimer, se sent étrangement mal à l'aise. Ce n'est pas la même gêne, le même malaise que lorsqu'il suit un autre client. Généralement, c'est plus de l'appréhension, mélangée à du dégoût, là c'est autre chose. Quelque chose qu'il est bien incapable de s'expliquer. Le fait est que le jeune homme est intriguant, voire carrément intimidant, pas dans un aspect négatif, loin de là. Mais l'avoir vu soir après soir, assis au même endroit, pendant près d'une année, sans que jamais il n'adresse à lui ou à l'un de ses collègues, un mot de plus que nécessaire à sa commande, ça rend le personnage... atypique. Rory l'a toujours trouvé attirant, il faut bien l'avouer, depuis le premier jour. Et depuis le premier jour, il avait espéré que ce qui est en train de se passer arrive, bien qu'il avait fini par se faire à l'idée que le bouclé ne venait clairement pas là dans ce but. Et voilà que ce soir, enfin, il lui demandait, à lui, de le suivre. Pourquoi maintenant ? Pourquoi lui d'ailleurs ? Il n'a pas ces réponses, peut-être aura-t-il l'occasion de les poser. Mais le connaissant, il n'osera pas, comme toujours, il n'ose déjà pas lui demander son prénom alors que lui s'est présenté.

La main du bouclé qui le touche au coude lui procure la sensation d'un courant électrique qui lui parcourt le corps. Une légère décharge, loin d'être désagréable d'ailleurs. Le barman se laisse entrainer sans réticence vers la voiture de son client et reste bouche bée et les yeux pétillants devant le petit bijou qu'il possède. Une Audi TT, le rêve du châtain, rêve qu'il ne pourra bien évidemment jamais s'offrir. Ce n'est pas qu'il n'a pas l'habitude de voir de belles voitures, plusieurs de ses clients ont des voitures à en faire jalouser plus d'un, mais c'est bien la première fois qu'il a l'occasion de monter dans le modèle que lui aurait adorait pouvoir conduire, si tant est qu'il puisse avoir déjà un jour la possibilité de se payer le permis. Sans rien dire, il prend place sur le siège passager, observant avec envie et fascination l'intérieur de l'habitacle. Tellement absorbé par l'intérieur de la voiture, il ne s'inquiète même pas de ne pas savoir où ils se rendent. En général, quand le client ne le lui dit pas, ça le fait flipper, parce que ça signifie le plus souvent, un endroit glauque, sale, la voiture planquée dans une ruelle, fin ce genre d'endroit pas rassurant. Étrangement, en compagnie du bouclé, Rory se sent en confiance, il a l'intime conviction qu'il ne lui fera rien de mal.

Tout à coup, la voix grave du jeune homme derrière le volant brise le silence et Rory est surpris d'entendre son prénom prononcé par le bouclé. Comme le crétin qu'il est, il sourit niaisement. Ça sonne plutôt bien entre ses lèvres. Le barman se baffe mentalement, essayant de s'empêcher de continuer à divaguer de la sorte. Il est juste un client. « Eggsy. » Il répète le prénom de façon presque inaudible, se le murmurant à lui même. « C'est original ça comme prénom. » Évidemment, il ne peut s'empêcher de faire sa remarque à voix haute, par contre, il arrive à éviter d'ajouter et se contente de le penser, qu'il aime bien. Puis Eggsy, c'est définitif, Rory aime ce prénom, il sonne bien dans sa tête, reprend la parole, tentant de plaisanter sur le fait qu'il ne l'emmène pas dans un endroit glauque. Le barman comprend l'initiative, mais il n'arrive pas à en sourire, ça lui arrive tellement souvent de se retrouver dans des endroits qu'il considère comme glauque, qu'il ne peut s'amuser sur un tel sujet et il tourne le visage vers la vitre, regardant sans réellement voir, les bâtiments qui défilent sous ses yeux. Apparemment, le bouclé a compris sa bourde, puisqu'il se reprend, parlant de chez lui, puis d'une suite dans un hôtel. Rory a dû mal à assembler tous les mots pour former une phrase, se demandant s'il a bien compris. Eggsy possède une suite dans un hôtel ? Plutôt que de dire une bourde, n'étant pas certain d'avoir compris correctement, il se contente de hocher la tête, regardant toujours vers l'extérieur. Le reste du trajet se passe dans le silence le plus complet. Et si Rory fait mine de regarder la route, en réalité, il n'arrête pas de zyeuter vers le bouclé et se rend compte qu'il en fait autant et ça fait sourire le barman. C'est bien la première fois qu'il sourit de la sorte en suivant un client.

La voiture se stabilise et le châtain penche la tête et reste littéralement bouche bée devant l'imposante bâtisse qui se dresse devant lui. « Tu as une suite là-dedans ? » Tellement impressionné par le luxe évident du lieu, qu'il ne se pas rend compte tout de suite qu'il a tutoyé le jeune homme. « Euh pardon, vous... » Il n'a pas le temps de finir sa phrase que les deux portières sont ouvertes en même temps, par des hommes extrêmement bien habillés. Rory n'en revient pas, des portiers, carrément. Il a déjà eu l'occasion de mettre les pieds dans de beaux hôtels, mais jamais d'aussi luxueux que celui-là. La main d'Eggsy qui se pose dans son dos pour le guider lui provoque une nouvelle décharge électrique. La même intensité que la première fois et tout aussi agréable que la première fois. Ses yeux vont et viennent partout, il n'en revient pas d'être dans un tel endroit et ne se sent absolument pas à sa place dans ses vieux habits bon marché. Instinctivement, pour se protéger des regards d'autrui son dos se voute légèrement, sa tête rentre dans ses épaules, comme pour envoyer un message : je suis invisible, faite comme si je n'étais pas là. Parce que clairement, c'est évident pour quiconque dans cet hôtel, en voyant Rory, qu'il ne fait pas partie de ce monde-là. Il suit simplement Eggsy dans l'ascenseur. Le barman sent le regard du jeune homme sur lui, mais n'ose pas le regarder, alors que dans sa tête, il s'imagine déjà une scène digne d'un film. Mais non, Eggsy ne l'embrasse pas, ils ne sont pas dans un des nombreux films qu'il regarde chez lui, ils sont dans la réalité, et les portes de l'ascenseur s'ouvrent sans que rien ne se soit passé. Rory se sent con d'en être presque déçu. Il s'attendait à quoi au juste ?

Arrivés dans la suite, la vue qui s'offre au châtain est plus que déroutante pour lui. Rien que le salon semble plus grand que tout son appartement réuni. Mais ce qui perturbe le plus Rory, ce n'est pas la taille de la pièce, ni le mobilier, qu'il n'aperçoit qu'à peine dû à la manière dont est tamisée la lumière. Non ce qui déroute réellement le barman ce sont les deux assiettes prêtes, remplies, posées sur la table. « Un... un repas ? » Il s'avance vers la table, suivant le bouclé. Ses yeux faisant des allers et retours constants entre lui et la table. Jamais une seule fois, jamais en deux ans Rory n'avait eu le droit à ce genre d'attention. À la vue de toute cette nourriture, son estomac se manifeste, lui rappelant à quel point il n'a pas l'occasion de le remplir comme il le devrait. « Merci. » Assis, il regarde son assiette, puis une nouvelle fois Eggsy, qui le fixe. Rory baisse les yeux, gêné. Qu'à t-il fait pour mériter ça. D'ordinaire, on le demande, on le demande, on l'use, on le dépose dans le meilleur des cas, sinon il doit rentrer par ses propres moyens, et basta. Décidément, ça confirme au barman que le bouclé est vraiment atypique comme client et ce n'est pas pour lui déplaire. Pas pour le repas ou quoi, juste dans le fait que pour une fois, ça lui donne au moins l'impression un court instant de ne pas être qu'un objet dont on se sert et qu'on jette à sa guise. Oh, il ne se fait pas d'illusion, c'est tout ce qu'il est, et tout ce qu'il sera probablement pour toujours. Et puis, Eggsy ne l'a pas fait venir jusque-là juste pour lui offrir un repas, il ne faut pas se leurrer non plus.

Le coeur du châtain s'accélère dans sa poitrine en entendant une nouvelle fois son prénom dit de la voix si particulière, grave et douce à la fois du bouclé. Il ne peut s'empêcher de sourire en réponse à celui d'Eggsy qui est définitivement le plus beau sourire qui lui ait été donné de voir. Rory adore la façon dont ses joues se creusent en deux adorables fossettes, ça le rend tellement plus, il ne sait pas quoi, juste plus. Il se laisse envoûter par le sourire et les iris verts qui le fixent. Si seulement il lui était possible d'appuyer sur un bouton pause, et de rester fixé à cet instant, ce serait parfait. Malheureusement, la vie n'a ni bouton pause, ni rembobine, pas plus qu'avance rapide. Le barman arque ses sourcils de surprise suite aux paroles du bouclé. Alors qu'il n'a toujours pas entamé son assiette, plus par gêne que par manque d'appétit, il ne sait pas trop quoi répondre. « Euh, ma vie est faite d'une routine mortellement ennuyante, il n'y a pas grand-chose à en dire. » Encore une fois, c'est bien la première fois qu'un client s'intéresse à lui, à qui il est en tant que personne. Personne ne s'encombre de ce genre de détails, tout ce qui les importe, c'est qu'ils en aient pour leur argent, et même pour son prénom, ceux qui le demande, c'est surtout pour pouvoir le redemander lui, quand ils reviennent, plus que par réelle envie de le savoir. Cette soirée n'est vraiment pas comme d'habitude et ça déroute Rory encore un peu plus à chaque fois. Il apprécie sincèrement que ce ne soit pas comme il en a l'habitude, mais du coup, il ne sait pas comment agir. Il est perdu et gêné devant tant d'intérêt. « Et sinon, j'ai vingt-trois ans, je suis de New York j'ai jamais été ailleurs et actuellement je vis dans le Bronx, pas très loin de là où je bosse en fait, je travaille dans ce bar depuis un peu plus de deux ans, et je crois que c'est à peu près tout. » Rory déglutit toujours gêné, vraiment pas habitué à parler de lui à qui que ce soit. On doit dire quoi au juste dans ces cas-là ? Bon au moins, il a répondu un minimum, parce que même si c'est parents l'ont jeté de chez lui à l'adolescence, jusque-là, ils l'ont bien élevé. « Je dois avouer que c'est bien la première fois qu'on me pose ce genre de question. Tout comme c'est la première fois qu'on m'offre un repas comme ça avant... » Rory ne finit pas sa phrase, il n'avait pas vraiment l'intention d'aborder ce sujet, lui rappelant pourquoi il est là en premier lieu. Il l'avait presque oublié. Pour pallier à sa phrase laisser en suspens, il avale enfin une première fourchette de son assiette, après une énième protestation de son estomac, torturé devant la merveilleuse odeur qui se dégage des plats, mais qui ne recevait rien jusque-là. « Hum... C'est trop bon. » Une fois encore, il se sent con, c'est sorti tout seul, mais c'est tellement vrai. Il n'a jamais rien mangé de comparable dans sa vie, pas même lorsqu'il vivait encore sous le toit familial. Enfin peut-être si, la soupe de pois cassé de sa grand-mère, ça c'était un vrai délice, son plat préféré, qu'il n'a pas eu l'occasion de manger depuis de trop nombreuses années. « Vraiment merci. Je ne comprends pas, mais merci. » Il enfourne une seconde bouchée, ferme les yeux un instant pour savourer, puis quand il les rouvre, ses yeux pétillent. Rory fixe les prunelles émeraude face à lui, et sourit à Eggsy, comme longtemps il n'a pas souri. Cette soirée ferait presque officie de cadeau de Noël avant l'heure pour le châtain, qui finit le reste de son assiette sans plus aucun autre son que des onomatopées, laissant comprendre qu'il apprécie sincèrement son repas. « Et toi ? Enfin vous, vous faites quoi ? » Il allait presque en oublier de lui retourner la question ? Par seulement par politesse, mais parce que lui aussi à réellement envie d'en connaître plus sur ce jeune homme si mystérieux.
   

N'ayant jamais eu de vraie relation amoureuse hormis la première dont en a découlé son exclusion de la maison familiale, Rory ignore complètement ce à quoi peut ressembler un rendez-vous romantique, mais en voyant le cadre dans lequel le reçoit Eggsy, le repas, les regards gênés de l'un comme de l'autre, c'est exactement comme ça qu'il se le serait imaginé. Ce qui est plutôt perturbant, quand on sait qu'actuellement, cela n'a rien d'un rencart, même s'il lui aimerait bien que ça le soit. Soyons honnête, depuis le premier jour que le bouclé a mis les pieds au bar, Rory le regarde, espère qu'il lui parlera, a rêvé de ce moment, mais dans un cadre hors travail. Alors oui, il est heureux d'être là, d'autant qu'Eggsy n'a absolument rien de ses clients habituels, il est tellement mieux que tout ces ploucs, qu'il se demande bien pourquoi il a besoin d'avoir recours à une personne comme lui. Parce que oui, malgré les rêves et l'intérêt qu'il semble tout de même lui porter, le châtain n'en reste pas moins ce qu'il est. Sérieusement, le jeune homme pourrait probablement avoir qui il veut, alors le barman ne comprend pas vraiment pourquoi il est là, dans cet hôtel luxueux, cette suite splendide et dix fois plus grande que son petit appartement miteux, devant cette assiette appétissante avec un homme tel que Eggsy. Il ne faut pas se méprendre, il ne crache pas dans la soupe, il préfère largement être ici plutôt qu'ailleurs, c'est juste que ça le surprend. Mais peu importe la curiosité qui s'empare de lui, il n'osera jamais demandé au bouclé pourquoi tout ça, en tout cas, pas tout de suite.

C'est tellement étrange pour lui de parler de lui de la sorte. Il n'a que peu d'amis, et même parmi eux, très peu voire aucun ne connait son histoire. Il y a bien Sid, mais la demoiselle lui en veut un peu, ce qu'il comprend parfaitement, elle a été là pour lui et il a sans vraiment le vouloir arrêté de donner des nouvelles. Bref, tout ça pour dire, que parler de lui, ce n’est pas son fort, et il ne sait même pas trop quoi dire. Pas trop en tout cas, il n'a pas envie de faire peur au bouclé, qui jusque-là, se montre plutôt sympa avec lui. D'ailleurs, il voit bien la réaction de Eggsy et malgré sa situation minable, il n'a pas envie que quiconque le prenne en pitié. Il a su se démerder comme il le pouvait depuis ses seize et même s'il déteste ce qu'il fait, qu'il se répugne lui-même, il est fier d'avoir réussi à survivre jusqu'à maintenant, même s'il doit une partie de sa survie à son patron. Rory est peut-être tout en bas de l'échelle, mais il n'aime pas qu'on s'apitoie sur son sort, lui-même ne le fait pas, il reste, ou tout du moins, tente de rester le plus fier et digne possible, bien qu'il n'est pas toujours de quoi vivre décemment. Alors comme ça le gêne de parler lui, une fois son repas englouti, il reporte l'attention sur le bouclé en lui renvoyant ses questions. Après tout, pas de raison qu'il n'y en est qu'un seul des deux qui parle de lui, et puis le châtain est quand même curieux d'en connaitre plus sur ce mystérieux jeune homme qu'il a eu l'occasion de servir et d'observer pendant près d'un an. Voir Egssy le rassurer en lui confirmant qu'il peut le tutoyer enlève un poids à Rory, qui étrangement, ne trouvez pas le vouvoiement naturel avec le bouclé. Après tout, comme ce dernier le souligne, ils doivent avoir à peu près le même âge, alors se tutoyer c'est plus simple. Encore une différence avec ses clients habituels, qui ont souvent plus de trente ans, voire même pour la plus grosse majorité, au-dessus de la quarantaine. Et le large sourire que le jeune homme lui offre, finis de l'apaiser. Ce sourire est sans aucun doute la plus belle chose qui lui ait été donnée de voir depuis bien longtemps. Bien plus beau même que tout ce qui se trouve dans cet hôtel.

Rory ne peut s'empêcher d'écarquiller les yeux comme des billes quand le bouclé lui répond et lui explique sa situation. Évidemment qu'il l'envie. C'est impressionnant de se dire qu'il est si jeune et gère déjà un hôtel de cette importance. Ça le fascine, alors il ne peut s'empêcher de lui poser des questions. « Tu as fait quoi comme études pour savoir gérer un complexe comme celui-là ? Tu dois avoir vachement de pression sur les épaules avec de telles responsabilités, non ? Surtout en bossant pour ton père. J'imagine que ça doit être super stressant de travailler en famille. » Le jeune homme s'arrête net, prenant conscience qu'il se montre peut-être un peu trop curieux. « Pardon, ça ne me regarde pas. » Et il baisse la tête légèrement, montrant sa gêne de s'être montré si intrusif. Le pire c'est que ça l'intéresse vraiment. Il aurait aimé avoir la chance d'étudier, de suivre ses envies, d'avoir un vrai métier qui le passionnerait, c'est pour ça qu'il pose ces questions. Rory ce n'est pas quelqu'un de jaloux dans l'âme, alors il se fiche pas mal du fait qu'Eggsy ait son boulot parce qu'il est le fils de son père ou non, tant mieux pour lui, ou pas d'ailleurs. Comme sa question le laisser supposer, il se doute que ça ne doit pas forcément tous les jours être facile de travailler pour son paternel, lui en tout cas, n'aurait probablement pas vraiment aimé travailler avec le sien, même s'il lui avait proposé un emploi. De toute façon, il ne s'imaginait absolument pas faire le même métier que son père. Plus jeune lui, il aurait aimé devenir vétérinaire, il adorait les animaux et a ramené chez eux un nombre incalculable d'animaux blesser ou perdu, qu'il n'a jamais pu gardé d'ailleurs, ses parents ayant toujours refusé. Évidemment, niveau ambition de carrière, Rory a du voir ses attentes à la baisse, et à vrai être barman, serveur, ça lui plaît. Il aime le contact avec les gens et il est doué dans ce qu'il fait. Le problème dans son emploi actuel, c'est le lieu, son patron et ce qu'il lui impose de faire en plus.

Il n'attend pas de réponse de Eggsy, qui d'ailleurs après l'avoir observé un moment s'installe plus au fond de sa chaise, alors que le barman s'attendait à le voir se lever, à ce qu'ils passent à ce pour quoi il l'a fait probablement venir, comme tous ces autres clients. Mais non. Le bouclé embraye sur d'autres questions. Décidément, il n'a vraiment rien de ce type de client et Rory se demande de plus en plus pourquoi il est réellement là. Mais il n'osera pas demander, même s'il aimerait comprendre. Ses yeux s'humidifient à la question du jeune homme. Il se doute bien que ce dernier ne souhaitait pas le blesser, mais la réaction est instantanée, incontrôlable. Pourquoi cette vie ? Comme s'il avait eu le choix. On a décidé pour lui. On l'a jeté, on l'a utilisé, on s'est servi de sa détresse. Il n’a jamais voulu en arriver là et s'il en avait la possibilité, il aimerait bien pouvoir en changer de vie. Egssy enfonce le clou, et Rory les yeux plus humide que jamais se mord la lèvre inférieure pour s'empêcher de pleurer. « Où... Où sont les toilettes ? » Il déglutit et dès que le bouclé lui montre la direction, il se lève rapidement de table et court s'y enfermer. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. C'est con, pour une fois qu'il vivait une soirée comme ça, agréable qui plus est, avec un garçon qui semble adorable. Mais lui aussi doit en fin de compte le mépriser de ne faire que ça de sa vie, c'est compréhensible en même temps. Rory reste au moins cinq bonnes minutes à réfléchir à ce qu'il doit faire, à s'asperger le visage d'eau aussi, pour s'empêcher de pleurer. Puis, il finit par se motiver à ressortir, rouge de honte d'avoir fui de la sorte, mais il ne peut de toute façon pas le faire attendre plus longtemps, ce n’est pas vraiment correct, surtout que Eggsy a été tout à fait correcte lui, jusque-là, même si maladroit dans ses questions. « Je... Je suis désolé Eggsy. » Le châtain murmure à peine, vraiment pas fier de sa réaction stupide. Il avance lentement vers le bouclé, s'humidifiant les lèvres en le regardant. Bon, de toute façon, il est là pour ça, non ? Et comme ça fait au moins une bonne heure, si on ne compte pas l'année qui s'est écoulée, qu'il meurt d'envie de l'embrasser, il va droit vers lui et pose ses lèvres sur celles, pulpeuses de Eggsy, comme ça, sans rien dire. Outre l'envie de le faire, ça permet aussi d'esquiver d'autres questions auxquelles il n'est pas encore prêt à répondre. Être celui à l'initiative n'est pas dans ses habitudes, à vrai dire, c'est même carrément une première pour le châtain. C'est semble-t-il dans la continuité de la soirée, qui à elle seule est une première pour lui, dans tous ses aspects et Rory et loin d'imaginer à quel point cela est vrai.
   

Cette soirée est vraiment déroutante pour Rory, qui n'a jamais eu dans toute sa vie, l'occasion de vivre un moment pareil. Tout est tellement différent, en bien, en mieux, de ce qu'il a le droit au quotidien. Jamais jusqu'à ce soir quelqu'un ne s'était intéressé de la sorte à lui, à ce qu'il est en tant que personne et non pas seulement en tant qu'objet qu'on utilise pour se soulager de ses frustrations. Il y a bien son médecin, mais elle c'est encore différent. Quoi qu'il en soit, ça fait plaisir au jeune homme de voir que lui aussi peut être digne d'un minimum d'intérêt, d'un minimum de respect. Rien que le repas avant, en soi, est énorme. Il n'a pas si bien mangé depuis des lustres, des lustres qui se comptent en années, huit pour être précis. C'est magique pour lui d'être ici, non seulement pour tout ça, même si au fond de lui, il sait pour quoi il est là quand même, mais magique aussi, parce que pour une fois, il n'aura pas à se forcer à quoi que ce soit, tellement Eggsy lui plaît depuis le premier soir où il est entré dans le bar.

C'est pour cette raison que, même si le bouclé l'a un peu blessé avec ses questions, probablement sans que ce soit dans cette intention, même s'il a ressenti le besoin de s'éclipser pour s'empêcher de craquer devant lui et d'aller s'asperger le visage quelques instants pour se calmer, même s'il sait que Egssy est un client, il ressort de la salle de bain et après s'être excusé, il fonce droit sur lui s'emparer de ses lèvres. Il évite ainsi les questions embarrassantes auxquelles il ne veut pas répondre, mais surtout, il succombe à cette envie irrésistible de l'embrasser qui le submerge depuis que le bouclé lui a demandé de le suivre. La manière dont Eggsy répond à son initiative le surprend, comme tout le reste de la soirée d'ailleurs. Ses mains qui encerclent son visage, ses lèvres en accord avec les siennes, sa façon tendre d'approfondir ce baiser, c'est absolument divin. Rory n'a jamais rien connu de tel, c'est tellement pas le style de façon de faire dans ce... « métier ». Tout y est toujours plus brut, rapide, le châtain ne ressent rien, que le dégoût et l'envie que ça s'arrête, mais pas cette fois. Cette fois c'est doux, c'est tendre, et il n'a aucune envie que ça s'arrête. Pourtant ça s'arrête, Eggsy mettant fin à l'échange. Et Rory ne trouve rien d'autre qu'à faire de le regarder dans les yeux, sans être capable de faire autre que de se perdre dans ses iris verts, tout en souriant comme un benêt. C'est bien la première fois qu'il prend du plaisir à travailler, même si soyons honnête, il préfèrerait largement que tout ceci n'ait aucun rapport avec son emploi. Malheureusement pour lui, il devra bien se faire à l'idée qu’aussi agréable que ce soit, il est quand même là pour ça.

Le châtain se laisse surprendre par les lèvres du bouclé à nouveau sur les siennes. Cette fois le baiser est un peu plus... enfin, disons moins tendre, mais pas pour autant moins délicieux. Rory frissonne de plaisir quand les mains de Eggsy caressent ses bras, pour finir sur ses hanches, les siennes venant entourer d'instinct le cou du jeune homme, comme s'il anticipait déjà que ses mains ne s'arrêteraient pas à ses hanches. Et effectivement, quelques secondes plus tard, voilà le barman, jambe entourant la taille du bouclé, se laissant emmener vers la chambre. En chemin, ses mains se perdent dans la chevelure épaisse de Eggsy, sa respiration se fait plus intense, il n'a jamais ressenti ça, jamais vraiment, même pas quand il était avec son tout premier petit ami. En même temps, avec lui, ils ne sont jamais allés aussi loin que ça. Oui, c'est le plus désespérant, sa première fois était dans le cadre de son boulot. Rory se mord la lèvre en observant le bouclé, au-dessus de lui, sur le lit où il vient de le déposer. Il ne peut s'empêcher d'admirer chaque trait de son visage, chaque parcelle de peau, tout est tellement parfait chez lui que ça lui met des complexes, lui qui est petit, maigre, il se trouve répugnant. Alors évidemment, la phrase du jeune homme le perturbe un peu, et même si ça le touche, lui ne le pense pas un seul instant. Il s'apprête à protester que non, ce n'est pas vrai, seulement Eggsy ne lui en laisse pas le temps, venant passer ses mains sous son t-shirt. Le barman ferme les yeux et frissonne, se mordant de plus belle la lèvre inférieure sous la caresse douce et chaude du bouclé. Il se laisse complètement faire lui quand il lui enlève son haut, oubliant l'espace d'un instant seulement, celui où le bouclé laisse ses lèvres se perdre dans son cou et où il laisse échapper un petit gémissement de plaisir, ce qui ne lui arrive jamais d'ordinaire, puisque d'habitude, il fait ça par obligation, pas par envie et encore moins par désir. Durant cet instant, il en oublie qu'il est un client, lui aussi. Puis tout s'arrête, il perde le contact et revient à la réalité, voyant Eggsy galérer avec sa chemise. Rory rit un peu, se moquant gentiment de lui en se redressant un peu pour l'aider. « Laisse-moi faire. » Il lui enlève ses mains de sa chemise, pour s'attaquer lui-même aux boutons retissant.

Une fois la chemise ôtée et jetée plus loin, le châtain observe le corps d'Eggsy, caresse lentement et du bout des doigts la peau de son abdomen, dessinant les contour du dessin encré là. Après un instant, il relève le visage vers lui, pour capturer son regard, ses mains se plaçant de chaque côté de ses hanches, Rory se rallonge sur le dos, attirant avec lui Eggsy. « C'est toi qui es parfait Eggsy. » Répondant ainsi à la phrase dite plus tôt par le bouclé, avant d'ajouter sans vraiment le vouloir, cette fameuse question qui le turlupine depuis le départ. « Tellement parfait que je ne comprends pas pourquoi tu as besoin de... ça. » Sur le dernier mot, il se désigne lui-même d'un geste de la main, ses joues s'empourprant de honte. Il vient lui même de faire référence à sa propre personne comme d'une chose, d'un objet, mais c'est ce qu'il est, en tout cas ce qu'il a l'impression d'être depuis tellement d'années, que s'en est presque devenu normal pour lui. « Désolé, ça ne me regarde pas. » Encore une fois, il s'excuse, c'est vrai, après tout, il n'a pas a questionner un client sur ses raisons, alors il se tait, fui le regard d'Eggsy et reprend. Ses mains glissent des hanches du bouclé vers le bouton de son jean pour le lui ouvrir, ses doigts s'insérant sous le tissu pour caresser ses fesses. Mais cette fois c'est différent, si son coeur bat toujours plus rapidement qu'à la normale, il a l'impression que quelque chose s'est perdu en route entre eux, la magie de la soirée n'est plus vraiment la même. Et il a peur d'avoir tout foutu en l'air encore une fois avec ses questions mal placées.
   

Il a énormément du mal à réaliser qu'il est là, dans ce lit, avec Eggsy, ce garçon qu'il regardait venir quasiment tous les soirs, au bar, qu'il se contentait de servir, sans jamais osé lui parler autrement que dans une relation de barman à client, de toute façon, même s'il avait osé le faire, son patron n'aurait pas apprécié l'initiative. Il a du mal à croire que le bouclé l'est choisi lui, qu'il a transformé cette soirée de travail en quelque chose de plus qu'agréable. Rory a surtout du mal à croire que pour la première fois de sa vie, il est vraiment en train d'apprécier ce qu'il fait, qu'il en ressent du plaisir et surtout du désir. Pour la première fois de sa vie, il ne sent obligé de rien, plus encore, il en a envie. Alors il se laisse aller sous les caresses du bouclé, il se laisse aller dans ses propres gestes, sans vraiment se prendre la tête de savoir si ce qu'il fait est bien ou non, il laisse les choses se faire naturellement. C'est parce que tout semble si naturel entre eux, qu'il est d'autant plus étonné quand c'est Eggsy qui stoppe tout. Le châtain observe le jeune homme au-dessus de lui, ne comprenant absolument pas ce qu'il a fait de mal. Après quelques secondes, il s'apprête à demander au bouclé s'il a fait quelque chose qu'il ne fallait, mais est dérouté par ce dernier, qui se roule simplement sur le côté, venant se coller dos à lui et l'entourant de son bras. Rory, surpris, se laisse faire comme un pantin désarticulé. De toute manière, en tant que ce qu'il est, et ce pour quoi il est payé, il n'a pas à prendre d'initiative, il est censé juste répondre aux envies de ses clients. Alors si Eggsy a envie de ça maintenant, il n'a pas à contester quoi que ce soit.

Pour tout avouer, ça plaît au châtain qui en profite pour sourire, puisque Eggsy ne peut actuellement pas le voir. Il aime le côté si spécial et nouveau pour lui de cette soirée. Il apprécie Eggsy, le fait qu'il soit si différent de ses clients habituels. Rory frissonne de plus belle, à la simple caresse que le bouclé exerce sur le dos de sa main et il se colle un peu plus à lui, le visage posé dans sa nuque, respirant son odeur. Il a tellement hanté ses pensées depuis un an, et ne sachant pas s'il y aura d'autre fois, il veut s'imprégner de son odeur. Les yeux fermés, le châtain est comme coupé de la réalité. C'est la voix grave et suave du bouclé qui le ramène au moment présent et le sort de sa rêverie. Il se sent gêné devant les paroles de Eggsy et encore plus quand ce dernier embrasse sa main avant de se retourner. Rory est tout simplement devenu rouge pivoine et n'ose même pas regarder le bouclé dans les yeux quand il lui fait face. « Mais c'est ce que je suis depuis des années... un objet. » Il est à deux doigts de craquer, mais le regard perçant du jeune homme planté dans le sien l'en empêche et son sourire le fait fondre. Comment peut-il être aussi parfait ? Les lèvres d'Eggsy posées sur les siennes, lui font perdre toutes pensées cohérentes, ses doutes, et le déconnecte de ce qui le fait douter de lui. Eggsy est tellement avenant, doux, gentil, qu'il en oublie qu'il est censé n'être qu'un client. C'est tellement différent, il se sent différent dans le regard du bouclé, dans ses paroles, dans ses gestes, il arrive à le faire se sentir humain, à se sentir important pour quelqu'un. « Promis. » Murmure-t-il à son oreille en réponse à sa dernière phrase. Rory sait que cette promesse ne sera pas facile à tenir, pas avec son quotidien, pas quand il est dégradé de la sorte jour après jour, mais là tout de suite, ce n'est pas le cas, là tout de suite, dans les bras du bouclé il se sent bien, il se sent en sécurité, alors ça lui donne l'impression qu'il sera capable de tenir cette promesse. Rory hoche la tête et s'exécute quand Eggsy lui demande de fermer les yeux et de juste le serrer contre lui. Il se colle à lui, emmêlant leurs jambes, le serrant contre son torse comme si sa vie en dépendait. « Bonne nuit Eggsy. » C'est étrange pour lui de dormir avec quelqu'un, ça ne lui est tout simplement jamais arrivé, encore moins quelqu'un qui lui plaît. C'est étrange, certes, mais c'est agréable, vraiment très agréable. Rory, bercé par la chaleur du souffle du bouclé dans son cou, s'endort en quelques minutes.

Dans la nuit, le châtain a senti Eggsy s'agiter, comme s'il avait des cauchemars, son dos lui faisait face. Se rappelant comment le bouclé s'était mis en premier avant qu'il ne se retourne et l'embrasse avant de s'endormir, Rory se dit que ça doit être une position qu'il apprécie, alors il passe son bras autour de lui, collant son torse à son dos, déposant lentement ses lèvres sur sa peau. Le geste semble avoir l'effet escompter puisque le bouclé reprend une respiration plus calme, se calant sur celle du barman. Rory sourit, et se rendort rapidement. Quand il ouvre les yeux quelques heures plus tard, il sent qu'il manque la présence du bouclé à côté de lui. La place qu'il occupait est froide, il doit être levé depuis un moment. Le châtain se redresse dans le lit et s'étire, s'imaginant que Eggsy est sans doute à la douche. « Eggsy ? » Pas de réponse. Il retente une nouvelle fois, mais cette fois sort du lit pour s'approcher de la porte qu'il lui avait indiqué la veille. Toujours pas de réponse, pas de bruit non plus. Rory est pris d'un moment de panique et retourne à la chambre, chercher son t-shirt. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il voit à la place du bouclé, le mot et la liasse de billets qui y est déposée, plus qu'il n'a jamais eu en une fois, à première vue, c'est même plus que ce qu'il peut avoir en une semaine. À ce moment-là, la réalité revient au visage de Rory qui perd son sourire. Il le savait pourtant qu'il n'était qu'un client, mais c'était tellement différent, qu'il avait pensé l'espace d'un instant que... Le barman secoue la tête. « Que rien du tout. Hier c'était chouette, mais il a beau dire ce qu'il veut, t'es qu'un objet Rory. » Les larmes menacent de couler, mais le jeune homme a sa fierté et il se retient. Le mot lui dit qu'il y a des vêtements propres pour lui dans la salle de bain et qu'il peut prendre une douche avant de partir. Rory froisse le moment de déception, mais profite quand même de la douche et des vêtements, par contre il laisse la liasse de billets exactement où il l'a trouvé. Cet argent pourtant, il en aurait bien besoin, mais finalement, ils n'ont rien fait, alors il ne se sent pas le droit de le prendre et se contente de partir, en claquant la porte, avec juste ses vêtements neufs sur lui, après tout il lui a quand même pris de son temps, alors il se dit qu'il a au moins mérité de les garder. Et il repart à sa petite vie misérable, le coeur en miettes.