Dans mon enfance, quand les gens me voyaient, ils me prenaient pour une guerrière, une princesse sans cœur. J'étais hyperactive, toujours à frapper les pigeons avec un bâton ou à essayer de manger du sable juste pour voir ce que ça fait. Une vraie gamine, audacieuse et téméraire, qui ne calculait jamais le danger quand il le fallait. Et quand on me punissait, je n'acceptais jamais la sentence, toujours à dénoncer celui-ci ou celle-là, même mes propres amis. Je n'étais pas très réfléchie comme gosse. Les gens me trouvaient un air de fille instable, mais mon seul argument restait que tous les enfants s'agitent. Chez moi, ce n'était même plus de l'agitation ; c'était au-delà. Rien ne pouvait me calmer, jamais. Puis j'ai grandi, je me suis un peu assagie. Juste un peu. Le jour où c'est arrivé, je suis devenue vide et silencieuse. J'avais vingt ans à peine, je croquais la vie à pleine dents, et tout m'est revenu en pleine face. Le lendemain, j'étais changée. Ma mère ne l'a jamais remarqué, et puis de toute façon, qui aurait fait attention à moi ? Je commençais à me refermer sur moi-même, j'avais peur, terriblement peur. Les cauchemars affluaient, j'avais des terreurs nocturnes. Je ne pouvais même plus me regarder dans un miroir tant j'étais terrifiée de ce qu'il s'était passé. Je maigrissais à vue d’œil, j'avais des cernes immenses. C'est pour ça que j'ai délaissé mes études et que je n'ai pas validé mon semestre. Ma mère n'était pas fière, mais ce n'est pas pour autant qu'elle a décidé de s'occuper de moi. Je ne parlais à personne. J'étais devenue un paria. Les mots se bloquaient dans ma gorge dès que je tentais de parler, et mon mutisme devenait une habitude partout où je passais. Je ne faisais que dormir, tout le temps, enroulée dans ma vieille couverture. Et quand un soir j'ai saisi mon crayon pour écrire, j'ai commencé un journal intime. Cela peut paraître ridicule à vingt ans, mais l'écriture m'a aidé dans tous les instants difficiles. Ma peur a presque disparu aujourd'hui. Les insomnies non, mais elles se font plus rares. Presque personne n'a compris pourquoi j'avais chuté ainsi les dernières années. Ce n'est que lorsque j'ai quitté la maison que j'ai enfin pu respirer. Ma vie commençait après de longues années de silence. Je me suis mise à rêver d'un monde meilleur, c'était beau et grand. Et j'ai retrouvé l'espoir et la fierté, ainsi que le courage de me battre, même pour les mauvais combats, pour les causes perdues.